La France touchée par la « Grande démission » 

Moins massif qu’aux Etats-Unis, le départ volontaire des salariés français est une réalité que les pros du voyage d’affaires doivent regarder de près. 

La France se croyait épargnée. Il n’en est rien, la voilà affectée à son tour par le phénomène de la grande démission, traduction française de « the big quit »comme disent les Américains. C’est une tendance qui a en effet émergé aux Etats-Unis pendant la pandémie et qui a vu 25 millions d’Américains démissionner de leur emploi au cours des six derniers mois de 2021 ! 

Mais les salariés français ne sont pas en reste comme le rapportent de nombreux articles, notamment celui de 20 Minutes. Vincent Meyer, professeur en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie, y révèle que « la France enregistre une croissance record des taux de démission, +10% en juin 2021 et +20% en juillet 2021 par rapport aux mêmes périodes de 2020, et des niveaux jamais enregistrés par la Dares (le service statistique du ministère du Travail) ». 

Un phénomène qui touche particulièrement les PME selon le journal qui cite une étude de la Dares publiée en février dernier affirmant qu’entre juillet et octobre 2021 les départs volontaires ont augmenté de 17% pour les entreprises de plus de 50 salariés et de 21% pour celles de 10 à 49 salariés.

Mais il y a pire que cela selon Les Echos : le salarié « fantôme », celui qui peut disparaître du jour au lendemain. Un phénomène, désigné sous le terme de ghosting dans les pays anglo-saxons, qui a gagné du terrain avec la crise sanitaire dans les professions tertaires, y compris les cadres. Selon les cabinets RH, la pratique concernerait au moins un profil sur dix dans les secteurs traditionnels, bien plus dans les métiers ultra-demandés comme les développeurs informatiques. 

Ces envies de changement ont plusieurs explications : un marché du travail porteur, une volonté d’avoir un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, mais aussi de pouvoir télétravailler davantage, un besoin d’autonomie, une quête de sens du travail, une remise en question du style de management en vigueur dans les entreprises… 

Autant d’items dont certains peuvent avoir un prolongement et une application dans le voyage d’affaires. Comme le dit Christophe Nguyen, spécialiste des RH, cité par 20 Minutes : « Il faut placer la qualité de vie au travail au centre des préoccupations de l’entreprise ». Le bien-être, encore le bien-être, toujours le bien-être : tel est bien l’un des mots clés de ce monde post-Covid. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les prix vont flamber

La dette accumulée par les fournisseurs du voyage d’affaires pendant la pandémie explique (en partie) la forte hausse des tarifs à venir.

Une montagne de dettes ! Depuis deux ans, les principaux fournisseurs du travel auraient accru leur passif de 540 milliards de US$, soit 475 milliards d’euros ! Un chiffre délirant calculé par Mark O’Brien, un consultant anglais, ancien de BCD Travel, qui s’est fondé sur des rapports publics et financiers ainsi que sur des données issues des grandes agences de notation.

Sur ce montant, quelque 490 milliards de US$ proviennent de prêts bancaires et gouvernementaux. Par secteur, la dette mondiale nouvellement créée s’élève à 350 milliards de US$ pour les compagnies aériennes, 110 milliards pour les hôtels, 20 milliards pour les sociétés de transport terrestre et 10 milliards pour les TMC… 

Avec le « quoiqu’il en coûte », tout le monde a perdu la notion de l’argent et jongle avec les milliards comme avec des carottes. « Mais, prévient Mark O’Brien, ce chiffre est supérieur aux PIB de la Belgique et du Portugal réunis, ou à 7% de l’économie américaine ». 

Une dette qui expose dangereusement les acheteurs et les travel managers. Lors d’une présentation le 21 janvier dernier pour l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique à l’AFTM), Mark O’Brien a déclaré que la pression à la hausse des tarifs résulterait en partie de ce qu’il a appelé « ce refinancement de l’industrie des voyages », comme l’ont rapporté les excellents sites The Company Dime et Skift.

Pour l’instant, les prix semblent rester à un niveau raisonnable par rapport à 2019 car les fournisseurs cherchent à encourager les voyageurs à revenir. Mais cela devrait changer au deuxième semestre, alerte Mark O’Brien, une fois la reprise plus soutenue, « car cette dette doit être remboursée ». Et de préciser : « Les fournisseurs devront alors récupérer leurs pertes, assurer le service de leur dette (les intérêts) et fournir des rendements significatifs à leurs investisseurs financiers. » 

Résultat : selon le consultant, les compagnies aériennes devraient augmenter leurs tarifs de 3,5 à 4,5% sur leurs principales routes par rapport aux niveaux de 2019 d’ici le troisième trimestre. Du côté des hôtels, la hausse serait de 5 à 9%. Quant aux TMC, « elles n’ont pas d’autre choix que de rafraîchir leurs modèles de tarification. » 

Et attention car de nombreux facteurs, autres que celui de la dette, vont ajouter à la pression inflationniste : la hausse du prix du carburant alimentée notamment par le conflit ukrainien, les investissements dans les carburants durables, les taxes d’aéroports, les pénuries de personnel… Dans un article du Figaro, l’expert du transport aérien Xavier Tytelman parie de son côté sur une hausse des tarifs aériens de 5%, « majoritairement du côté des compagnies traditionnelles et non des low costs (…) car leur meilleur état financier leur permet au contraire de relancer la guerre des prix. »

Bref, selon Mark O’Brien, une société qui dépensait habituellement 20 millions de US$ en voyages peut s’attendre à une augmentation comprise entre 875 000 et 1,1 million de US$, soit environ 5% au global. Acheteurs et travel managers, pour faire face à cette pression inflationniste, vous allez devoir faire preuve d’anticipation et de créativité !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Des suppléments arbitraires sur les billets d’avion ?

Les compagnies aériennes imposent des surcharges qui gonflent la note et échappent aux remises accordées aux entreprises.

Le sujet n’est pas nouveau. Mais la hausse du prix du carburant et la pression inflationniste réveillent l’agacement, pour ne pas dire plus, de certains acheteurs et travel managers. C’est ce que raconte le talentueux Amon Cohen, l’un des piliers historiques de la rédaction de Business Travel News.

En cause, les fameux suppléments imposés par les transporteurs et qui apparaissent sur le billet sous les codes YQ et/ou YR. Quésaco ? Au début des années 2000, les compagnies aériennes ont dû faire face à l’explosion des coûts liés au carburant. Nombreuses d’entre elles ont alors décidé d’instaurer une ligne «surcharge carburant» sur leurs billets. Puis, avec un retour à la normale du prix du baril de pétrole au milieu des années 2010, cette surcharge a été renommée «surcharge transporteur» sous le sigle YQ. Quant au code YR, il recouvre théoriquement une surcharge liée aux assurances. 

Premier problème : l’affichage. Les deux sigles YQ/YR apparaissent parfois sur un même billet de façon distincte, l’un se faisant passer pour l’autre, tandis que certains billets ne mentionnent que le YQ ou que le YR. Le flou est total : pourquoi certaines compagnies aériennes auraient des assurances YR alors que d’autres en seraient dispensées ?

Deuxième problème : comment sont fixées ces surcharges ? Mystère et boule de gomme. Y a-t-il un lien entre le montant de la surcharge YQ/YR et le prix du pétrole ? Un porte-parole de KLM interrogé par Amon Cohen élude la question : « Air France/KLM utilise la surcharge imposée par le transporteur comme une composante tarifaire, qui n’est pas basée sur les coûts ». Circulez, il n’y a rien à voir. Tout juste saura-t-on que « le montant de la surcharge est basé sur des critères concurrentiels et peut donc évoluer en fonction de l’offre et de la demande ». Autant dire qu’il semble donc fixé de façon arbitraire. Gavin Smith, directeur de Element Travel Technology, approuve : « C’est une manière ambigüe et légèrement fallacieuse pour les compagnies de gérer leurs revenus en les poussant sur YQ ou YR ».

Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, a calculé que « le coût réel du kérosène d’un Boeing 787 est de 100 US$ par passager entre Londres et New York, en supposant qu’il y ait 250 sièges dans l’avion et que 80% d’entre eux soient occupés. » Or les suppléments YQ/YR observés par ce travel manager sur cette liaison représentent souvent plusieurs fois ce montant. 

Troisième problème et non le moindre : les remises accordées aux entreprises ne s’appliquent pas à ces surcharges. Le porte-parole de KLM le confirme : « Les réductions accordées aux clients d’entreprises s’appliquent en effet seulement au tarif de base. C’est bien connu de nos clients et c’est une pratique du secteur. » Sauf qu’on ne parle pas de montants anecdotiques. Ces surcharges peuvent en effet s’élever à plus de 1000 € selon la liaison et la classe tarifaire et, parfois, peuvent même représenter la quasi-totalité du prix du billet ! 

Jörg Martin, un consultant allemand, est catégorique : « dans de nombreux cas, seuls 50 à 60% du tarif sont négociables pour l’entreprise et dans les cas les plus extrêmes, il ne s’agit que d’un pourcentage à un chiffre. » Une situation d’autant plus difficile pour les travel managers que ces suppléments sont rarement ventilés dans les reportings, difficile donc pour eux de les identifier. 

La suite de cette histoire ? Gavin Smith pense que les acheteurs et les travel managers devraient agir collectivement pour provoquer le changement. « En tant qu’industrie, nous devrions le contester par des actions juridiques ». En attendant, un petit conseil aux acheteurs et travel managers : surveillez bien les lignes YQ et YR car leur montant pourrait bien s’envoler ces prochains mois sous la pression inflationniste !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les banques s’intéressent au voyage d’affaires

Des TMC et des spécialistes du voyage d’affaires rachetés par des banques ? La convergence des réservations, des dépenses et des paiements est en marche.

Tout sauf un hasard. La semaine dernière, JPMorgan Chase mettait la main sur la TMC Frosch, quelques mois après le rachat de la plateforme de voyages d’affaires TravelBank par U.S. Bank pour 200 millions de US$ et celui de Lola, une application de réservation et de gestion des dépenses de voyage d’affaires, par Capital One.

La notoriété des acheteurs en dit long sur leurs intentions : au classement des banques américaines (par capitalisation boursière), JPMorgan se classe au premier rang, U.S. Bank au sixième rang et Capital One au onzième rang. Pas du menu fretin donc. 

L’identité des cibles donne un premier indice sur les ambitions des 3 banquiers : elles sont toutes positionnées sur le segment des PME, devenu (pour la énième fois) le nouvel eldorado de l’industrie du voyage d’affaires. Frosch est ainsi une grosse TMC traditionnelle américaine qui avait réalisé un volume d’affaires de 2,4 milliards de US$ en 2019, avec des bureaux dans 40 pays. Sa force : son accompagnement humain, très apprécié des entreprises petites et moyennes évoluant dans le secteur du luxe. 

TravelBank est un peu la (petite) sœur jumelle de TripActions, fondée la même année (2015) et sur le même modèle d’une solution tout en un. Une levée de capital menée par Dreamer’s VC, un fonds d’investissement créé par l’acteur américain Will Smith et le footballeur star du Japon Keisuke Honda, lui avait fait une sacrée publicité. 

Quant à Lola, c’est une startup qui avait été créée par des anciens de Kayak (le fameux comparateur de vols et de voyages) et qui commençait à se faire un nom avant la pandémie avec sa technologie d’assistant voyageur basée sur l’intelligence artificielle. Le Covid l’avait contraint à pivoter vers les paiements inter-entreprises. 

Alors pourquoi ces opérations ? Le site The Company Dime l’explique très bien. Auparavant, les banques attiraient les PME par le biais de prêts et de services bancaires. Mais la révolution numérique a changé la donne ainsi que l’éclosion des fintechs, ces startups technologiques qui concurrencent de plus en plus les acteurs traditionnels de la banque et de la finance. 

Désormais pour ces banques, l’acquisition de nouveaux clients se fait par le biais de logiciels permettant aux PME de gérer plus simplement leurs flux de trésorerie et leurs dépenses. L’idée ? Relier les paiements, les dépenses et les voyages. Comment ? « En combinant ces offres dans une offre globale, similaire à ce que vous pouvez voir pour certaines fintechs », a expliqué Andrew Cecere, le patron de U.S. Bancorp. « Je pense que notre lacune a été la simplification de tout cela. » 

Reste à savoir si les banques françaises et européennes marcheront dans les pas de leurs homologues américaines en investissant dans le voyage d’affaires. Trop tôt pour le dire. En attendant, la convergence entre réservations, dépenses et paiements est une vraie tendance de fond, et pas qu’aux Etats-Unis. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La cybercriminalité explose

Les cyberattaques sont en très forte hausse et dans ce contexte, le retour des voyageurs d’affaires et le développement du télétravail inquiètent.

Le chiffre fait froid dans le dos. Rien qu’en France, les attaques aux rançongiciels, ces logiciels malveillants qui bloquent un système ou chiffrent des données avec demande de rançon, ont augmenté de 255% entre 2019 et 2020 selon l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), comme le rapporte un passionnant article de L’Usine Nouvelle. Mais, raconte la journaliste, ce chiffre est sans doute très sous-évalué car « une plainte est déposée pour environ 250 attaques tentées ou réussies » !

Cité dans l’article, Hughes Foulon, le Pdg d’Orange Cyberdefense, affirme : « Devenues la menace numéro un, les attaques par rançongiciels (ransomware en anglais) touchent à 75% les ETI et les PME ». Les cybercriminels se sont professionnalisés. « Ils font de l’ingénierie sociale, ils étudient l’entreprise attaquée, volent les données critiques et évaluent le coût de la remédiation du système pour demander une rançon légèrement inférieure ». Effarant.

Résultat, les cyberattaques font plus mal qu’avant. Celles qui ont touché Renault et Pierre Fabre ont mis leurs usines à l’arrêt, tandis que la PME Lise Charmel (lingerie de luxe) a été placée en redressement judiciaire après plusieurs mois d’arrêt d’activité ! Les clients et fournisseurs des entreprises sont concernés : ainsi en 2019, Airbus a été ciblé à travers quatre attaques majeures de ses sous-traitants, des opérations de cyberespionnage dont on soupçonne la Chine d’être à l’origine. 

Dans ce contexte, la reprise des déplacements professionnels et le boom du télétravail sont un motif d’inquiétude. Dale Buckner, patron de Global Guardian, une société américaine spécialisée dans la cybersécurité, alerte dans Business Travel News : « les appareils électroniques situés en dehors de l’espace physique du bureau ne sont pas suffisamment protégés ». 

Et selon lui, les voyageurs d’affaires ne sont pas assez formés et sensibilisés à cette problématique. Or ils sont l’un des sésames pour entrer dans les systèmes de l’entreprise. Il donne ainsi l’exemple de la connexion wifi d’un hôtel : « un pirate peut reproduire très facilement la page d’accueil de connexion wifi d’un hôtel, et lorsqu’un voyageur souhaite se connecter avec son nom et son numéro de chambre, le pirate assis dans le hall de l’hôtel peut tranquillement pénétrer dans le téléphone ou l’ordinateur du voyageur. Cela peut se produire dans n’importe quel hôtel cinq étoiles de n’importe quelle grande ville du monde, en un instant ! »

Il n’y a pas de choix pour Dale Buckner : « Avec une main d’œuvre plus dispersée que jamais en 2022, les entreprises doivent investir du temps, des efforts et de l’argent pour renforcer leurs défenses de cybersécurité, en éduquant et en formant correctement les employés sur la façon de sécuriser les ordinateurs portables, les téléphones mobiles et autres appareils, tout en s’assurant que le wifi et les routeurs à domicile sont sécurisés ». 

Un chiffre dingue pour finir : cité par L’Usine Nouvelle, le responsable de Campus Cyber, Michel Van Den Berghe, souligne que 80% des PME françaises qui ne paient pas la rançon après une cyberattaque (soit 40% de celles qui sont attaquées) déposent le bilan ! Un nouveau fléau.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les aéroports français piquent du nez

La crise que traversent les aéroports français aura d’importantes répercussions sur l’industrie du voyage d’affaires, tarifaires mais pas seulement. 

Le bilan est lourd. La pandémie a sérieusement fragilisé les aéroports français selon le rapport annuel de la Cour des comptes détaillé par le journal La Tribune. Rien qu’entre 2019 et 2020, les dix premières plateformes du pays ont vu leur trafic chuter de 70%, passant de 180 millions à 54 millions de passagers, leur chiffre d’affaires divisé par deux, leur bénéfice d’exploitation de 1,1 milliard d’€ se transformer en une perte de 700 millions d’€. 

Par ailleurs, le rapport alerte sur le niveau d’endettement de ces aéroports d’autant que « la date du retour du trafic à son niveau de 2019 est incertaine. La reprise pourrait, en outre, ne pas être totale pour certains segments de clientèle comme les voyageurs d’affaires, compte tenu du fort développement du travail à distance. »

Enfin la Cour des comptes pointe des faiblesses structurelles qui nécessiteraient l’évolution du modèle économique des aéroports, trop dépendant de « la forte croissance du trafic ». 

Des difficultés confirmées par Thomas Juin, le président de l’Union des aéroports français (UAF) dans une très intéressante interview toujours réalisée par La Tribune. Il y révèle que 2021 aura été guère meilleure que 2020 avec une baisse de trafic de 60 à 65% par rapport à 2019. Il estime en revanche qu’en 2022 le recul du trafic sera limité à 30%. Une bonne nouvelle mais pas de quoi pavoiser non plus.

Résultat, les taxes d’aéroport, payées par le passager, vont connaître « une augmentation galopante », prévient-il. Et d’expliquer : « le trafic s’est effondré et la taxe aéroport ne suffit plus à payer ces missions de sécurité-sûreté, dont certains coûts sont incompressibles (maintenance, contrôle d’accès, amortissement des investissements…) ». Ce n’est qu’un début : selon lui, « la fiscalité va augmenter à terme de près de 50 % ». Réjouissante perspective. Sans compter le coût de la transition écologique qu’il estime entre 500 et 800 millions d’€.

Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Thomas Juin avertit que le 1eroctobre l’attente aux aéroports pourrait s’aggraver pour les passagers hors Schengen en raison de la mise en place de nouveaux contrôles aux frontières appelés EES. « Le temps de contrôle pour le passager va doubler avec toute une série de formalités supplémentaires dues à l’EES » précise Thomas Juin qui ajoute : « Pour éviter ce doublement, l’Etat a prévu des kiosques de pré-enregistrement mais ces bornes n’empêcheront pas une augmentation de 20% des temps de contrôles actuels et nous estimons que c’est sous-évalué ». Décidément, la reprise des voyages d’affaires post-pandémie ne sera pas de tout repos. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

TMC : le défi des ressources humaines

C’est une difficulté récurrente des TMC depuis deux ans : comment adapter leurs effectifs aux vagues pandémiques successives ? Avec en toile de fond, une redéfinition du rôle de conseiller voyages réclamée par les entreprises. 

Embaucher ou pas en 2022 ? Tel est le dilemme auquel sont confrontés les TMC selon une étude Amadeus relayée dans un excellent article de The Company Dime. Et le résultat est à la hauteur de l’incertitude : les 250 patrons de TMC du monde entier interrogés par Amadeus sont 46% à déclarer qu’ils prévoient de maintenir les niveaux de personnel de 2021 tandis que la même proportion dit son intention d’augmenter leurs effectifs !

Ce que résume Amadeus ainsi : « D’une part, le personnel est le coût le plus important d’une TMC et il est difficile d’investir dans les talents lorsque les finances ont été durement touchées et que les volumes de voyages d’affaires restent incertains. D’autre part, les TMC auront bientôt besoin de plus de personnel pour reconstruire leur activité, sinon elles seront trop à court de personnel pour profiter des nouvelles opportunités commerciales ». 

Pas simple de mettre le curseur au bon endroit d’autant que les entreprises clientes ont des exigences qui imposent de redéfinir le rôle du conseiller voyages. Elles veulent qu’ils soient notamment des as de l’utilisation des ressources d’information de leur agence pour se tenir au courant des restrictions dues au Covid, des règles de franchissement des frontières et autres informations pertinentes. 

Amadeus affirme ainsi que la priorité absolue des TMC est « d’embaucher une nouvelle génération de natifs du numérique, férus de technologie et dotés de compétences en matière d’analyse, de veille économique et de conseil ». 

L’information changeant rapidement, « vous ne pouvez pas vous fier à une page internet pour dire ce que vous devez faire » confirme Michael Hall, travel manager chez Illumina, interrogé par The Company Dime. « Une partie de l’information doit être fournie par un être humain et la valeur de l’agent ne viendra pas de la réservation mais plutôt du développement de relations individuelles plus significatives avec le voyageur ». 

Et de poursuivre : « Depuis la pandémie, les agents de voyages ont besoin d’un ensemble de compétences totalement différent basé sur la gestion des risques, la santé, la sécurité environnementales… et bien d’autres choses qui ne font pas partie de leur mandat actuellement ». 

Tout ceci nécessite une remise à niveau pour les conseillers en poste, et de solides formations pour les nouveaux embauchés. Maureen Brady, directrice de l’exploitation de la TMC Corporate Travel Management en Amérique du Nord, insiste aussi sur la nécessité d’une « formation à l’empathie et à l’écoute active afin d’aider à atténuer le stress des voyageurs qui s’est généralisé pendant cette pandémie ».

Bien évidemment, cette montée en compétences doit s’accompagner d’une diffusion plus large de la techno au sein des TMC afin de délester les agents et les conseillers des tâches à basse valeur ajoutée. Automatisation, intelligence artificielle, chatbots… doivent ainsi permettre par exemple de répondre aux questions simples et récurrentes des voyageurs comme « Mon vol est-il à l’heure ? ». 

Preuve en tous cas que les TMC ont affirmé leur valeur ajoutée pendant cette pandémie, certaines entreprises ont payé pour conserver leurs agents dédiés et ainsi garantir la continuité opérationnelle. Pour se protéger des problèmes de personnel des TMC qui ont généré beaucoup d’insatisfactions auprès des clients, l’entreprise de biotech d’origine chinoise BieGene n’a pas hésité à sauter le pas. Son travel manager, Pedro Ceron, explique : « Nous payons notre TMC pour avoir nos propres agents dédiés, afin qu’ils aient des yeux et des mains sur les voyages que nous effectuons. Leur valeur est extraordinaire ». C’est peut-être le signe d’un virage des relations entre les TMC et les entreprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Comment donner une valeur stratégique aux voyages ?

Relier l’impact du déplacement professionnel, son coût, ses risques et ses avantages, aux objectifs stratégiques de l’entreprise : tel est l’avenir du travel management, selon Scott Gillespie qui donne ici de précieux conseils.

Rien de tel qu’une chronique de Scott Gillespie pour se mettre en forme ! En ce début d’année 2022, le gourou du voyage d’affaires a encore frappé avec un texte clair et visionnaire qui vient de paraître dans Business Travel News.

Le fondateur de tClara part du constat suivant : « Aujourd’hui, avec la crise de Covid et le changement climatique, les entreprises sont confrontées à de grandes questions concernant la rétention des talents, la santé et la mobilité des employés, les objectifs de réduction des émissions carbone, la fragilité de la chaîne d’approvisionnement et l’impact de la communication numérique ». 

Concrètement, les entreprises se demandent : « Où nos employés doivent-ils travailler ? Comment et à quelle fréquence doivent-ils se réunir ? Comment recruter et retenir les meilleurs talents ? Comment rester en contact avec nos clients et nos fournisseurs ? Comment allons-nous innover et nous développer tout en étant responsables en matière de carbone ? »

Pour répondre à ces questions, les entreprises n’ont d’autre choix que d’analyser leurs objectifs commerciaux stratégiques et de déterminer les arbitrages, les sacrifices, les risques et les avantages de faire du business d’une manière ou d’une autre. 

Pour Scott Gillespie, certaines entreprises se rendront forcément compte que la problématique des voyages d’affaires est au carrefour de tous ces sujets. Et qu’inévitablement d’autres questions surgiront : « Quels sont les problèmes qui doivent être résolus par davantage de réunions physiques ? Qui doit voyager, quand, comment, où et à quelle fréquence ? Quelles réunions justifient un voyage d’affaires ? Comment pouvons-nous être sûrs que nous voyageons pour les bonnes raisons ? »

Selon lui, de plus en plus de dirigeants vont en 2022 commencer à comprendre que les voyages doivent être utilisés comme une stratégie au service d’objectifs plus importants. Et de préciser : « Certains verront les voyages comme une ressource rare, à forte intensité de carbone, à n’utiliser que pour les problèmes les plus urgents ; d’autres y verront un avantage concurrentiel à utiliser pour distancer les concurrents ; d’autres encore s’en serviront pour améliorer la mobilité, le recrutement et la fidélisation des employés. »

Alors comment procéder ? Scott Gillespie donne 10 indicateurs qui permettent de juger si les voyages sont utilisés au service de la stratégie de l’entreprise :

  1. Au cours des 12 derniers mois, la direction générale a-t-elle clairement établi les priorités du programme de voyages, c’est-à-dire qu’elle a choisi entre des objectifs stratégiques tels que la réduction des coûts, l’amélioration du bien-être et de la sécurité des voyageurs, la réussite des voyages, la réduction des émissions de CO2 liées aux voyages et la fidélisation des voyageurs ?
  2. La politique voyages est-elle intentionnellement conçue pour réduire les voyages de moindre valeur et améliorer les chances de succès des voyages de plus grande valeur ?
  3. Les professionnels du voyage (travel managers…) contribuent-ils activement aux décisions relatives à la politique de travail à distance et de retour au bureau ?
  4. Le programme et la politique voyages sont-ils considérés comme un avantage concurrentiel lors du recrutement et de la fidélisation des grands voyageurs ?
  5. Les managers exigent-ils une évaluation impartiale de la justification de chaque voyage avant celui-ci ?
  6. Chaque voyage est-il lié à un objectif stratégique important, par exemple, « accroître nos revenus » ou « améliorer les compétences de notre personnel » ?
  7. L’entreprise suit-elle et rapporte-t-elle les indicateurs de voyages (trop nombreux ou insuffisants) pour chaque objectif stratégique ?
  8. Les décisionnaires des objectifs stratégiquement importants peuvent-ils modifier rapidement les critères de justification des voyages liés à leurs objectifs ?
  9. Existe-t-il des objectifs, des stratégies et des indicateurs clés de performance spécifiques pour améliorer la santé, la sécurité et le bien-être des grands voyageurs ?
  10. Existe-t-il des objectifs, des stratégies et des indicateurs clés de performance spécifiques pour réduire les émissions carbone liées aux voyages ?

Scott Gillespie estime que « les programmes voyages de taille intermédiaire ou grands comptes peuvent en moyenne revendiquer aujourd’hui moins de trois des marqueurs ci-dessus. Six marqueurs seraient très bons ; neuf seraient excellents ; 10 est tout à fait possible pour de très nombreux programmes voyages ».

Et de conclure : « Le fait de considérer les voyages comme une stratégie va ouvrir une frontière d’une importance vitale pour les travel managers. » A bon entendeur…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Que vaut la nouvelle appli de la SNCF ?

Destinée à simplifier la vie des passagers, la nouvelle plateforme baptisée Connect doit remplacer à terme tous les sites et applications de la compagnie ferroviaire.

Tous les journaux ont platement annoncé le lancement le mardi 25 janvier de la nouvelle application de la SNCF. Un seul l’a vraiment testé : Le Figaro. Le journaliste François Deletraz est un peu le poil à gratter de la SNCF, toujours prompt à aller voir derrière la vitrine. Et pour attaquer son papier, le bonhomme ne prend aucun gant : « Et si la SNCF avait enfin compris que pour inciter les voyageurs à prendre le train, il faut avant tout en faciliter l’usage ? » 

Et de poursuivre : « La multiplication des supports (SNCF.com, Assistant SNCF, TGVpro, TGVInoui.sncf, oui.sncf…) avait fini par devenir un cauchemar pour les usagers, même rompus à l’usage du numérique». Le journaliste sait gré à la nouvelle direction « d’avoir pris la mesure de cette gabegie et des casse-têtes que cela occasionnait ». Ce sera la seule amabilité du papier. 

Dans un premier temps, SNCF Connect va regrouper oui.sncf et l’assistant SNCF. François Deletraz reconnaît une « plus grande simplicité d’utilisation et un moteur de recherche épuré ». Mais il note que subsistent encore des écueils. Le principal : « le fait que le transporteur et le distributeur du billet soient deux entités distinctes. Bien que la SNCF opère votre voyage, par exemple entre Paris et Lyon, le billet acheté sur SNCF Connect est émis par une agence de voyages de… la SNCF. Or, les agences de voyages n’ont pas le droit de toucher aux billets émis par d’autres agences de voyages. Par conséquent, si votre billet est émis par Trainline ou votre agence locale, vous ne pourrez toujours pas le modifier sur SNCF Connect. Les voyageurs d’affaires ont donc tout intérêt à garder, du moins dans un premier temps, l’application TGVpro, par exemple, pour effectuer leurs échanges ».

François Deletraz égrène d’autres blocages et conclut son article par un lapidaire : « Les informaticiens parviendront-ils à simplifier ce système, devenu complexe et confus à l’extrême ? La route risque d’être longue… ». Votre serviteur, qui a fait du train son deuxième bureau entre Nantes et Paris, est moins sévère. Certes, il reste du chemin à parcourir mais il faut reconnaître qu’il y a un premier effort de simplification et que l’appli est plutôt facile d’utilisation. C’est un premier pas. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Location de voitures : « la tempête parfaite »

Pénurie de l’offre et flambée des prix : la location de voitures est entrée dans une ère de turbulences inédite et complexe à gérer pour les travel managers. Comment faire ?

Perfect Storm. Cette métaphore paradoxale (comment une tempête, par nature destructrice, peut-elle être qualifiée de « parfaite » ?) désigne, dans le langage courant américain, une aberration, où toutes sortes d’éléments disparates et improbables s’associent pour produire un bouleversement jamais vu auparavant. C’est ainsi que Business Travel News qualifie le marché de la location de voitures, reprenant l’expression d’un travel manager. La tempête en question est générée par une forte demande qui se heurte à une contrition chronique de l’offre de véhicules. 

Dans un article du 21 décembre, le quotidien économique Les Echos confirme que le secteur a bouclé «2021 avec le sourire». Jean-Philippe Doyen, le patron de Sixt, ne cachait pas sa satisfaction : « Nous avons battu notre record de résultat opérationnel au troisième trimestre et ce sera sans doute le cas sur l’ensemble de 2021 ». 

Le marché loisirs, devenu très domestique par la force des choses, a soutenu la demande mais pas seulement. BTN cite une entreprise néerlandaise dont la travel manager affirme que, si le volume des réservations aériennes a plongé pendant la pandémie, celui de la location de voitures est resté stable. 

Le gros hic : les loueurs n’arrivent pas à acheter autant de véhicules qu’ils le souhaiteraient. Confrontés à des problèmes d’approvisionnement, « les constructeurs automobiles privilégient la clientèle individuelle, la plus rentable, au détriment des loueurs qui achètent en masse (et donc avec un rabais) des modèles dotés de peu d’options ». 

Résultat : les tarifs flambent. Comme l’écrit BTN, « après des décennies de changements minimes et de tarifs déprimés par une concurrence féroce, la situation a radicalement changé ». Pour les entreprises et les acheteurs, la pression est forte. Sabah Kahoul, consultante et vice-présidente de l’Association Suisse du Travel Management (ASTM), affirme dans BTN que « les fournisseurs poussent à des augmentations tarifaires à deux chiffres ». Même en négociant habilement, elle prévient que les acheteurs risquent de finir par payer au moins 5% de plus. 

Un problème qui ne se limite pas aux nouveaux accords. Sabah Kahoul révèle ainsi que les loueurs font pression pour renégocier les taux contractuels existants. Sans compter les problèmes critiques de disponibilité : impossibilité pour les voyageurs de réserver une voiture ou, plus grave, annulation de réservations existantes, parfois la veille de la location. 

Alors que faire ? Quelques conseils de BTN pour sécuriser tant que faire se peut le budget location de voitures :

  • Assurer la disponibilité. Obtenir des engagements en béton des loueurs sur la mise à disposition des véhicules. Une priorité peut-être plus importante que le prix.
  • Envisager des contrats à long terme. Trois ans et même cinq ans pour Sabah Kahoul. 
  • Signer plusieurs partenaires privilégiés. Une bonne stratégie pour atténuer le risque de pénurie selon Sabah Kahoul. 
  • Utiliser plus efficacement les véhicules. Grâce aux datas des reporting, la réévaluation des habitudes des voyageurs peut montrer qu’une location plus courte fera l’affaire.
  • Regarder au-delà du tarif de base. Attention, les frais annexes peuvent être très coûteux : plein de carburant, kilométrage, livraison, aéroport…

Des astuces qui pourront permettre de mieux affronter une tempête qui ne semble pas prête de s’arrêter de souffler. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM