Pourquoi les prix vont flamber

La dette accumulĂ©e par les fournisseurs du voyage d’affaires pendant la pandĂ©mie explique (en partie) la forte hausse des tarifs Ă  venir.

Une montagne de dettes ! Depuis deux ans, les principaux fournisseurs du travel auraient accru leur passif de 540 milliards de US$, soit 475 milliards d’euros ! Un chiffre dĂ©lirant calculĂ© par Mark O’Brien, un consultant anglais, ancien de BCD Travel, qui s’est fondĂ© sur des rapports publics et financiers ainsi que sur des donnĂ©es issues des grandes agences de notation.

Sur ce montant, quelque 490 milliards de US$ proviennent de prĂȘts bancaires et gouvernementaux. Par secteur, la dette mondiale nouvellement crĂ©Ă©e s’élĂšve Ă  350 milliards de US$ pour les compagnies aĂ©riennes, 110 milliards pour les hĂŽtels, 20 milliards pour les sociĂ©tĂ©s de transport terrestre et 10 milliards pour les TMC
 

Avec le « quoiqu’il en coĂ»te Â», tout le monde a perdu la notion de l’argent et jongle avec les milliards comme avec des carottes. « Mais, prĂ©vient Mark O’Brien, ce chiffre est supĂ©rieur aux PIB de la Belgique et du Portugal rĂ©unis, ou Ă  7% de l’économie amĂ©ricaine Â». 

Une dette qui expose dangereusement les acheteurs et les travel managers. Lors d’une prĂ©sentation le 21 janvier dernier pour l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique Ă  l’AFTM), Mark O’Brien a dĂ©clarĂ© que la pression Ă  la hausse des tarifs rĂ©sulterait en partie de ce qu’il a appelĂ© « ce refinancement de l’industrie des voyages Â», comme l’ont rapportĂ© les excellents sites The Company Dime et Skift.

Pour l’instant, les prix semblent rester Ă  un niveau raisonnable par rapport Ă  2019 car les fournisseurs cherchent Ă  encourager les voyageurs Ă  revenir. Mais cela devrait changer au deuxiĂšme semestre, alerte Mark O’Brien, une fois la reprise plus soutenue, « car cette dette doit ĂȘtre remboursĂ©e Â». Et de prĂ©ciser : « Les fournisseurs devront alors rĂ©cupĂ©rer leurs pertes, assurer le service de leur dette (les intĂ©rĂȘts) et fournir des rendements significatifs Ă  leurs investisseurs financiers. Â» 

RĂ©sultat : selon le consultant, les compagnies aĂ©riennes devraient augmenter leurs tarifs de 3,5 Ă  4,5% sur leurs principales routes par rapport aux niveaux de 2019 d’ici le troisiĂšme trimestre. Du cĂŽtĂ© des hĂŽtels, la hausse serait de 5 Ă  9%. Quant aux TMC, « elles n’ont pas d’autre choix que de rafraĂźchir leurs modĂšles de tarification. Â» 

Et attention car de nombreux facteurs, autres que celui de la dette, vont ajouter Ă  la pression inflationniste : la hausse du prix du carburant alimentĂ©e notamment par le conflit ukrainien, les investissements dans les carburants durables, les taxes d’aĂ©roports, les pĂ©nuries de personnel
 Dans un article du Figaro, l’expert du transport aĂ©rien Xavier Tytelman parie de son cĂŽtĂ© sur une hausse des tarifs aĂ©riens de 5%, « majoritairement du cĂŽtĂ© des compagnies traditionnelles et non des low costs (
) car leur meilleur Ă©tat financier leur permet au contraire de relancer la guerre des prix. »

Bref, selon Mark O’Brien, une sociĂ©tĂ© qui dĂ©pensait habituellement 20 millions de US$ en voyages peut s’attendre Ă  une augmentation comprise entre 875 000 et 1,1 million de US$, soit environ 5% au global. Acheteurs et travel managers, pour faire face Ă  cette pression inflationniste, vous allez devoir faire preuve d’anticipation et de crĂ©ativitĂ© !

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

Des supplĂ©ments arbitraires sur les billets d’avion ?

Les compagnies aériennes imposent des surcharges qui gonflent la note et échappent aux remises accordées aux entreprises.

Le sujet n’est pas nouveau. Mais la hausse du prix du carburant et la pression inflationniste rĂ©veillent l’agacement, pour ne pas dire plus, de certains acheteurs et travel managers. C’est ce que raconte le talentueux Amon Cohen, l’un des piliers historiques de la rĂ©daction de Business Travel News.

En cause, les fameux supplĂ©ments imposĂ©s par les transporteurs et qui apparaissent sur le billet sous les codes YQ et/ou YR. QuĂ©saco ? Au dĂ©but des annĂ©es 2000, les compagnies aĂ©riennes ont dĂ» faire face Ă  l’explosion des coĂ»ts liĂ©s au carburant. Nombreuses d’entre elles ont alors dĂ©cidĂ© d’instaurer une ligne «surcharge carburant» sur leurs billets. Puis, avec un retour Ă  la normale du prix du baril de pĂ©trole au milieu des annĂ©es 2010, cette surcharge a Ă©tĂ© renommĂ©e Â«surcharge transporteur» sous le sigle YQ. Quant au code YR, il recouvre thĂ©oriquement une surcharge liĂ©e aux assurances. 

Premier problĂšme : l’affichage. Les deux sigles YQ/YR apparaissent parfois sur un mĂȘme billet de façon distincte, l’un se faisant passer pour l’autre, tandis que certains billets ne mentionnent que le YQ ou que le YR. Le flou est total : pourquoi certaines compagnies aĂ©riennes auraient des assurances YR alors que d’autres en seraient dispensĂ©es ?

DeuxiĂšme problĂšme : comment sont fixĂ©es ces surcharges ? MystĂšre et boule de gomme. Y a-t-il un lien entre le montant de la surcharge YQ/YR et le prix du pĂ©trole ? Un porte-parole de KLM interrogĂ© par Amon Cohen Ă©lude la question : « Air France/KLM utilise la surcharge imposĂ©e par le transporteur comme une composante tarifaire, qui n’est pas basĂ©e sur les coĂ»ts Â». Circulez, il n’y a rien Ă  voir. Tout juste saura-t-on que « le montant de la surcharge est basĂ© sur des critĂšres concurrentiels et peut donc Ă©voluer en fonction de l’offre et de la demande Â». Autant dire qu’il semble donc fixĂ© de façon arbitraire. Gavin Smith, directeur de Element Travel Technology, approuve : « C’est une maniĂšre ambigĂŒe et lĂ©gĂšrement fallacieuse pour les compagnies de gĂ©rer leurs revenus en les poussant sur YQ ou YR Â».

Un travel manager, qui a souhaitĂ© garder l’anonymat, a calculĂ© que « le coĂ»t rĂ©el du kĂ©rosĂšne d’un Boeing 787 est de 100 US$ par passager entre Londres et New York, en supposant qu’il y ait 250 siĂšges dans l’avion et que 80% d’entre eux soient occupĂ©s. Â» Or les supplĂ©ments YQ/YR observĂ©s par ce travel manager sur cette liaison reprĂ©sentent souvent plusieurs fois ce montant. 

TroisiĂšme problĂšme et non le moindre : les remises accordĂ©es aux entreprises ne s’appliquent pas Ă  ces surcharges. Le porte-parole de KLM le confirme : « Les rĂ©ductions accordĂ©es aux clients d’entreprises s’appliquent en effet seulement au tarif de base. C’est bien connu de nos clients et c’est une pratique du secteur. Â» Sauf qu’on ne parle pas de montants anecdotiques. Ces surcharges peuvent en effet s’élever Ă  plus de 1000 € selon la liaison et la classe tarifaire et, parfois, peuvent mĂȘme reprĂ©senter la quasi-totalitĂ© du prix du billet ! 

Jörg Martin, un consultant allemand, est catĂ©gorique : « dans de nombreux cas, seuls 50 Ă  60% du tarif sont nĂ©gociables pour l’entreprise et dans les cas les plus extrĂȘmes, il ne s’agit que d’un pourcentage Ă  un chiffre. Â» Une situation d’autant plus difficile pour les travel managers que ces supplĂ©ments sont rarement ventilĂ©s dans les reportings, difficile donc pour eux de les identifier. 

La suite de cette histoire ? Gavin Smith pense que les acheteurs et les travel managers devraient agir collectivement pour provoquer le changement. « En tant qu’industrie, nous devrions le contester par des actions juridiques Â». En attendant, un petit conseil aux acheteurs et travel managers : surveillez bien les lignes YQ et YR car leur montant pourrait bien s’envoler ces prochains mois sous la pression inflationniste !

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

Les aéroports français piquent du nez

La crise que traversent les aĂ©roports français aura d’importantes rĂ©percussions sur l’industrie du voyage d’affaires, tarifaires mais pas seulement. 

Le bilan est lourd. La pandĂ©mie a sĂ©rieusement fragilisĂ© les aĂ©roports français selon le rapport annuel de la Cour des comptes dĂ©taillĂ© par le journal La Tribune. Rien qu’entre 2019 et 2020, les dix premiĂšres plateformes du pays ont vu leur trafic chuter de 70%, passant de 180 millions Ă  54 millions de passagers, leur chiffre d’affaires divisĂ© par deux, leur bĂ©nĂ©fice d’exploitation de 1,1 milliard d’€ se transformer en une perte de 700 millions d’€. 

Par ailleurs, le rapport alerte sur le niveau d’endettement de ces aĂ©roports d’autant que Â« la date du retour du trafic Ă  son niveau de 2019 est incertaine. La reprise pourrait, en outre, ne pas ĂȘtre totale pour certains segments de clientĂšle comme les voyageurs d’affaires, compte tenu du fort dĂ©veloppement du travail Ă  distance. Â»

Enfin la Cour des comptes pointe des faiblesses structurelles qui nĂ©cessiteraient l’évolution du modĂšle Ă©conomique des aĂ©roports, trop dĂ©pendant de « la forte croissance du trafic Â». 

Des difficultĂ©s confirmĂ©es par Thomas Juin, le prĂ©sident de l’Union des aĂ©roports français (UAF) dans une trĂšs intĂ©ressante interview toujours rĂ©alisĂ©e par La Tribune. Il y rĂ©vĂšle que 2021 aura Ă©tĂ© guĂšre meilleure que 2020 avec une baisse de trafic de 60 Ă  65% par rapport Ă  2019. Il estime en revanche qu’en 2022 le recul du trafic sera limitĂ© Ă  30%. Une bonne nouvelle mais pas de quoi pavoiser non plus.

RĂ©sultat, les taxes d’aĂ©roport, payĂ©es par le passager, vont connaĂźtre « une augmentation galopante Â», prĂ©vient-il. Et d’expliquer : « le trafic s’est effondrĂ© et la taxe aĂ©roport ne suffit plus Ă  payer ces missions de sĂ©curitĂ©-sĂ»retĂ©, dont certains coĂ»ts sont incompressibles (maintenance, contrĂŽle d’accĂšs, amortissement des investissements…) Â». Ce n’est qu’un dĂ©but : selon lui, « la fiscalitĂ© va augmenter Ă  terme de prĂšs de 50 % Â». RĂ©jouissante perspective. Sans compter le coĂ»t de la transition Ă©cologique qu’il estime entre 500 et 800 millions d’€.

Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Thomas Juin avertit que le 1eroctobre l’attente aux aĂ©roports pourrait s’aggraver pour les passagers hors Schengen en raison de la mise en place de nouveaux contrĂŽles aux frontiĂšres appelĂ©s EES. « Le temps de contrĂŽle pour le passager va doubler avec toute une sĂ©rie de formalitĂ©s supplĂ©mentaires dues Ă  l’EES Â» prĂ©cise Thomas Juin qui ajoute : « Pour Ă©viter ce doublement, l’Etat a prĂ©vu des kiosques de prĂ©-enregistrement mais ces bornes n’empĂȘcheront pas une augmentation de 20% des temps de contrĂŽles actuels et nous estimons que c’est sous-Ă©valuĂ© Â». DĂ©cidĂ©ment, la reprise des voyages d’affaires post-pandĂ©mie ne sera pas de tout repos. 

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

AĂ©rien : attention, les tarifs dynamiques arrivent !

AĂ©rien : attention, les tarifs dynamiques arrivent !

Le transport aérien se prépare à des changements tarifaires sans précédent, accélérés par la pandémie.

« Tarification continue Â» : les dirigeants des compagnies aĂ©riennes du monde entier n’ont plus que ces mots-lĂ  Ă  la bouche selon le site Skift qui a livrĂ© un excellent article sur le sujet (Lire ici). De quoi s’agit-il ? Les transporteurs veulent « s’affranchir des vieilles mĂ©thodes Â» et « fixer le prix des billets avec autant de souplesse que les applications de covoiturage telles qu’Uber». En clair, ils veulent pouvoir calculer et prĂ©senter leurs prix pratiquement en temps rĂ©el.

Pour bien comprendre, il convient de saisir comment les choses se passaient jusqu’à prĂ©sent (et se passent encore). Les grandes compagnies aĂ©riennes regroupaient leurs tarifs en 26 tranches, avec une classe tarifaire correspondant Ă  une lettre de l’alphabet. La lettre « F Â» d’une compagnie peut signifier un billet de premiĂšre classe plein tarif tandis que la lettre « Z Â» peut dĂ©signer un billet en classe Ă©co Ă  prix trĂšs rĂ©duit que le voyageur doit acheter au moins trois semaines avant le dĂ©part.

Lorsque les places sont épuisées dans une classe tarifaire, à 79 euros par exemple, les ordinateurs proposent généralement des siÚges dans une classe plus chÚre, disons 99 euros, quelle que soit la demande.

« La tarification continue fait exploser ce systĂšme Â» explique Skift, l’objectif Ă©tant de proposer des tarifs plus dynamiques en Ă©vitant un saut tarifaire trop important d’une classe Ă  l’autre et en offrant des prix s’adaptant mieux Ă  la demande en temps rĂ©el. Dans notre exemple, des tarifs Ă  77, 78 euros ou 80, 81 euros. Donc Ă  l’euro prĂšs.

« L’objectif est de permettre Ă  une compagnie aĂ©rienne de choisir le meilleur tarif qui maximisera ses revenus Â» a Ă©crit Nicholas Liotta, chercheur au MIT de Boston. Certains tests ont rĂ©vĂ©lĂ© en effet que la tarification continue ou dynamique pourrait augmenter les revenus des transporteurs de 10% !

L’autre avantage de cette nouvelle tarification est de pouvoir composer et dĂ©multiplier trĂšs facilement des packages combinant un vol et une option tel un siĂšge avec plus d’espace pour les jambes. Bref, il s’agira de tirer le maximum d’argent des passagers en fonction de leur volontĂ© de payer Ă  un moment T.

Et bien sĂ»r, pour accĂ©der Ă  ces tarifs, il faudra utiliser des canaux qui offrent un contenu NDC (new distribution capability). C’est Lufthansa qui a proposĂ© la premiĂšre des tarifs dynamiques en octobre dernier, British Airways a suivi en dĂ©cembre et Air France-KLM a annoncĂ© en mars dernier un accord avec la sociĂ©tĂ© technologique Accelya pour la mise en place trĂšs prochaine de cette tarification continue. Rappelons que les contenus NDC de la compagnie française seront accessibles via Amadeus le 1er novembre prochain
 contre surcharge de quelques euros par segment.

CitĂ© par Skift, Jim Davidson, chef de produit chez Accelya, explique que « la tarification continue est le sujet le plus brĂ»lant de l’aprĂšs-Covid car la concurrence sur les prix va ĂȘtre fĂ©roce, les compagnies aĂ©riennes se battant pour rĂ©cupĂ©rer des clients. La sensibilitĂ© aux prix sera donc extrĂȘmement volatile, et la tarification continue permettra de rĂ©agir de maniĂšre beaucoup plus instantanĂ©e et prĂ©cise aux variations de la volontĂ© de payer des clients Â».

Pour de nombreux observateurs, la tarification continue va se gĂ©nĂ©raliser assez rapidement bien qu’il demeure encore des difficultĂ©s techniques et rĂšglementaires. Les travel managers et les acheteurs doivent d’ores-et-dĂ©jĂ  s’y prĂ©parer car cette nouvelle tarification va leur donner du fil Ă  retordre. Chris Anthony, cofondateur et directeur gĂ©nĂ©ral de Kambr Advisory, qui aide les compagnies aĂ©riennes Ă  mettre en place des solutions de tarification continue, explique dans Business Travel News Europe (Lire ici) que « les entreprises aiment avoir des certitudes et ce systĂšme enlĂšve presque toute certitude Â».

Mais d’aprĂšs lui, la tarification dynamique prĂ©sente aussi des avantages : « Elle pourrait rendre moins frĂ©quente les grandes fluctuations des tarifs aĂ©riens et limiter certaines particularitĂ©s actuelles, comme lorsque les tarifs en classe affaires sont infĂ©rieurs sur certains vols Ă  ceux de la classe Ă©conomique Â». Peut-ĂȘtre, mais une chose est sĂ»re : on s’approche de plus en plus d’une tarification Ă  la tĂȘte du client, et cela promet un sĂ©rieux
 casse-tĂȘte pour les travel managers et les acheteurs !

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

RĂ©duction des voyages : les banques aussi

RĂ©duction des voyages : les banques aussi

De plus en plus d’entreprises font publiquement part de leur intention de baisser le nombre de leurs dĂ©placements professionnels.

Et maintenant les banques ! AprĂšs les grands cabinets de consultants et bien d’autres sociĂ©tĂ©s, des Ă©tablissements financiers annoncent vouloir rĂ©duire leurs voyages d’affaires aprĂšs la Covid dans un article du Financial Times du 25 avril (Lire ici).

Noel Quinn, directeur gĂ©nĂ©ral de HSBC, a ainsi dĂ©clarĂ© au FT « qu’il prĂ©voyait de rĂ©duire ses propres dĂ©placements de moitiĂ© en effectuant des voyages moins nombreux et plus longs Â». Les auteurs de l’article en profitent pour rappeler que HSBC a Ă©conomisĂ© 300 millions de US$ sur ses frais de dĂ©placement en 2020 par rapport Ă  2019 !

Ils rĂ©vĂšlent aussi que la banque nĂ©erlandaise « ABN souhaite rĂ©duire ses voyages en avion de moitiĂ© par rapport Ă  2017 au cours des cinq prochaines annĂ©es, notamment en interdisant aux banquiers de prendre l’avion entre ses bureaux europĂ©ens et en les obligeant Ă  prĂ©fĂ©rer le train Â».

MĂȘme chose pour le groupe bancaire britannique Lloyds qui « s’est engagĂ© Ă  maintenir l’élan crĂ©Ă© pendant la pandĂ©mie en limitant les Ă©missions de CO2 dues aux voyages d’affaires Ă  moins de 50% des niveaux de 2019 Â».

Les tĂ©moignages Ă  l’avenant se multiplient. Andy Halford, directeur financier de Standard Chartered, dont le siĂšge est Ă  Londres, est moins tranchĂ© mais s’attend nĂ©anmoins Ă  une baisse des dĂ©placements professionnels d’un tiers aprĂšs la pandĂ©mie.

Un banquier d’affaires senior dit : « Je pense que les gens ne voient plus l’intĂ©rĂȘt de faire ce qu’ils faisaient prĂ©cĂ©demment. Prendre l’avion pour une rĂ©union d’une heure par exemple, ces choses-lĂ  vont disparaĂźtre Â». Un autre affirme que « les rĂ©unions avec les investisseurs pour faire le point, les tournĂ©es de prĂ©sentation dans le monde entier, tout ceci va diminuer Â».

La dimension Ă©cologique est la principale raison invoquĂ©e. FT a calculĂ© qu’une « rĂ©duction de 50% des dĂ©placements des quatre plus grandes banques du Royaume-Uni par rapport Ă  2019 permettrait d’économiser prĂšs de 120 000 tonnes d’émissions de CO2 par an ! Â» Sachant qu’un vol Paris/Londres Ă©met par exemple une tonne de CO2 par passager


Signe des temps selon FT, les compagnies aĂ©riennes commencent Ă  se rĂ©soudre Ă  cette disparition d’une partie des voyages d’affaires. Jeffrey Goh, le directeur gĂ©nĂ©ral de Star Alliance, prĂ©voit Ă  long terme une baisse d’un tiers des dĂ©placements professionnels. Shai Weiss, directeur gĂ©nĂ©ral de Virgin Atlantic, l’estime pour sa part Ă  20%. A contre-courant, Michael O’Leary, le patron provocateur de Ryanair, a affirmĂ© la semaine derniĂšre que les voyages d’affaires allaient complĂštement se rĂ©tablir aprĂšs la crise. Mais de sa part, le contraire eĂ»t Ă©tĂ© Ă©tonnant


François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

Carburants durables : les entreprises accélÚrent

Carburants durables : les entreprises accĂ©lĂšrent

Les grandes sociĂ©tĂ©s, dont les salariĂ©s voyagent, comptent jouer un rĂŽle actif dans le dĂ©veloppement des carburants d’aviation durables. Les initiatives se multiplient.

Les noms sont ronflants mais ils ne sont pas là pour faire de la figuration. Les directeurs des achats de Boeing, Boston Consulting Group, Deloitte, JPMorgan, Microsoft, Netflix et Salesforce ont créé le 20 avril la Sustainable Aviation Buyers Alliance (SABA) comme le rapporte le site The Company Dime (Lire ici).

Son objectif : aider l’industrie aĂ©ronautique Ă  atteindre la neutralitĂ© carbone en dĂ©veloppant la production de carburants d’aviation durables (Sustainable Aviation Fuels, SAF). Sa prioritĂ© : Ă©tablir un systĂšme de certificats SAF sur la base de critĂšres environnementaux solides. Un systĂšme qui permettra de vĂ©rifier et suivre les rĂ©ductions d’émissions ainsi obtenues grĂące Ă  l’utilisation de ces SAF. « Les entreprises et leurs voyageurs d’affaires pourront ainsi poursuivre plus facilement leurs objectifs climatiques ambitieux Â» affirme la SABA.

Rappelons que les SAF promettent de rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre de l’aviation de 80% par rapport au carburant fossile. FabriquĂ©s Ă  partir d’huiles vĂ©gĂ©tales, de cuisson, de graisses animales
, ils peuvent ĂȘtre mĂ©langĂ©s Ă  50% avec le kĂ©rosĂšne fossile et ne nĂ©cessitent pas de changer les moteurs. Mais ils coĂ»tent quatre fois plus chers que le carburant fossile. RĂ©sultat : ils pĂšsent 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisĂ©s par l’aviation en 2019.

Pas le choix : pour rĂ©duire le prix, il faut que la demande augmente et que la production s’accĂ©lĂšre. La seule bonne volontĂ© de l’industrie aĂ©ronautique ne suffit pas, il faut que les entreprises clientes s’impliquent dans le dĂ©veloppement des SAF. Les partenariats entre compagnies aĂ©riennes et entreprises se multiplient : United, Delta, KLM et d’autres ont annoncĂ© rĂ©cemment la crĂ©ation de leurs programmes SAF dans lesquels sont engagĂ©s de nombreuses sociĂ©tĂ©s. Daniel Tallos, travel manager de Nike pour la rĂ©gion EMEA, expliquait rĂ©cemment Ă  Business Travel News la nĂ©cessitĂ© de « conduire le changement par le biais de partenariats avec d’autres entreprises. L’action collective est un Ă©lĂ©ment clĂ© Â».

La crĂ©ation de la SABA est une avancĂ©e supplĂ©mentaire. Elle espĂšre avancer suffisamment sur le sujet de la certification afin de l’ouvrir Ă  une large adhĂ©sion pour la COP26 de novembre prochain. Une fois les certificats SAF crĂ©Ă©s, il faudra pouvoir les stocker dans un registre. Pour ce faire, la SABA a prĂ©venu qu’elle s’appuiera sur la technologie blockchain. Tout devrait ĂȘtre prĂȘt pour la fin 2022. Les certificats donneront ainsi aux entreprises un instrument normalisĂ© pour investir dans les SAF et suivre les rĂ©ductions d’émissions qui en rĂ©sultent
 sans avoir Ă  acheter et Ă  garantir la livraison de ces carburants Ă  une compagnie spĂ©cifique. C’est en somme la naissance du marchĂ© du crĂ©dit SAF. Et on n’a pas fini d’en parler.

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

Un rapport préconise la baisse du trafic aérien

Un rapport préconise la baisse du trafic aérien

Celui-ci Ă©value la baisse de trafic nĂ©cessaire Ă  19% d’ici Ă  2050 au niveau mondial.

Qu’on soit d’accord ou pas avec ses conclusions, ce rapport, et le large Ă©cho qu’il a eu dans la presse, illustre la pression Ă  laquelle le transport aĂ©rien va faire face dans les prochaines annĂ©es. DĂ©taillĂ© par le journal La Tribune (Lire ici), ce rapport a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par le think tank de la transition carbone « Shift Project Â» et le « collectif SupaĂ©ro DĂ©carbo Â», un groupe d’une centaine d’élĂšves et d’anciens Ă©lĂšves de la cĂ©lĂšbre Ă©cole d’ingĂ©nieurs en aĂ©ronautique.

Comme l’explique le journaliste Fabrice Gliszczynski dans son article, le rapport « remet en question les objectifs des acteurs du secteur, dont la feuille de route visant Ă  rĂ©duire de 50% les Ă©missions de CO2 du secteur en 2050 par rapport Ă  2005, doit permettre de respecter l’Accord de Paris sans rĂ©duction de trafic Â».

Selon ses auteurs, les innovations technologiques que les professionnels de l’aĂ©ronautique et du transport aĂ©rien mettent en avant (avion Ă  hydrogĂšne, renouvellement des flottes, carburants alternatifs
) ne permettront pas de limiter le rĂ©chauffement climatique Ă  +2° en 2100, tel que l’a dĂ©fini l’Accord de Paris sur le climat.

Une seule solution : limiter l’usage de l’avion, en agissant notamment sur l’offre. Le rapport prĂ©conise ainsi de mettre plus de siĂšges dans les avions en supprimant les classes affaires et les premiĂšres classes, en abandonnant les vols dĂšs lors qu’une alternative ferroviaire existe en 4h30, donc quasiment toutes les lignes intĂ©rieures de point Ă  point, et en repensant le systĂšme des « miles Â» qui pousse Ă  la surconsommation de voyages.

Il faut aussi agir sur la demande, disent les auteurs, en allouant des droits Ă  voyager ou en instaurant « une taxe progressive indexĂ©e sur la frĂ©quence des voyages et la distance parcourue Â».

Au final, il faudrait une diminution du trafic aĂ©rien mondial de 19% en 2050 par rapport Ă  2019, et donc une rĂ©duction de la production d’avions de 55%. Comme le souligne l’article de La Tribune, « l’équation Ă©conomique et sociale est en effet majeure dans ce dĂ©bat. Le secteur aĂ©rien reprĂ©sente 4,3% du PIB français et 435 000 emplois directs et indirects Â». Un dĂ©bat en tous cas qui n’a pas manquĂ© de faire rĂ©agir la communautĂ© du voyage d’affaires sur Linkedin, et ce n’est qu’un dĂ©but !

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM

Biocarburants : le tournant Microsoft

Biocarburants : le tournant Microsoft
Le gĂ©ant du logiciel vient de s’engager Ă  acheter du carburant durable pour les vols de ses salariĂ©s sur Alaska Airlines.
Un signal fort pour le marché ? C’est en tous cas l’avis de Julia Fidler, responsable des voyages durables et de l’engagement des salariĂ©s chez Microsoft au niveau mondial, qui dĂ©clare chez nos amis de The Company Dime (Lire ici) : « il faut produire plus de biocarburants dans les annĂ©es Ă  venir. Nous devons travailler avec tous les fournisseurs pour que cela devienne la norme et non l’exception. Toutes les compagnies aĂ©riennes ne peuvent y parvenir sans le soutien de leurs clients. »
L’accord de Microsoft consiste donc Ă  compenser les Ă©missions de CO2 provenant des dĂ©placements de ses salariĂ©s entre Seattle et San Francisco, San Jose et Los Angeles. Soit les trois routes les plus empruntĂ©es par ses employĂ©s sur Alaska Airlines. Mais au lieu de planter des arbres, Microsoft va dĂ©sormais acheter des biocarburants qui seront livrĂ©s Ă  Alaska Airlines.
FabriquĂ©s Ă  partir de dĂ©chets ou d’huiles vĂ©gĂ©tales ou animales, ces biojets dĂ©gagent, de la collecte des matiĂšres premiĂšres jusqu’à leur combustion, jusqu’à 80% de CO2 en moins par rapport au kĂ©rosĂšne fossile. Autre avantage : d’un point de vue technique, ils ne nĂ©cessitent aucune modification de l’avion ou du moteur, n’ont aucune consĂ©quence sur la sĂ©curitĂ© du vol, et peuvent mĂȘme ĂȘtre mĂ©langĂ©s au kĂ©rosĂšne fossile.
Comment Microsoft finance-t-elle cette compensation ? Pionnier de la tarification interne du carbone, le gĂ©ant de Seattle facture aux unitĂ©s commerciales les Ă©missions de CO2 gĂ©nĂ©rĂ©es par leurs centres de donnĂ©es, leurs laboratoires, leurs bureaux et leurs voyages d’affaires en avion. La tarification du carbone de Microsoft, qui a dĂ©butĂ© en janvier 2018, incluait LinkedIn, qu’elle a acquis en 2016. Cette annĂ©e, Microsoft a doublĂ© la redevance Ă  15 dollars par tonne mĂ©trique. L’objectif de l’entreprise est clair : elle veut passer de la compensation carbone Ă  l’élimination pure et simple du carbone et vise la neutralitĂ© d’ici 2030.
Seul problĂšme de ces biocarburants et il est de taille : ils coĂ»tent entre 3 et 6 fois plus cher que le carburant fossile, comme l’explique un article trĂšs intĂ©ressant du Figaro (Lire ici). « Pour un Paris-New York, injecter 1% de biofuel dans les rĂ©servoirs rajoute 4 euros Ă  la facture par passager pour un aller-retour. » Raison pour laquelle ces biocarburants ne pĂšsent aujourd’hui que 0,1% du carburant utilisĂ© par le transport aĂ©rien.
« À la fin, il faut ĂȘtre clair, il faut que le consommateur accepte de payer, car cette transition Ă©nergĂ©tique aura un coĂ»t », dĂ©clarait le 20 novembre le PDG de Total Patrick PouyannĂ©, lors du Paris Air France Forum organisĂ© par le journal La Tribune.
Selon un rapport publiĂ© ce mois-ci par le Forum Ă©conomique mondial et McKinsey, « les faits semblent montrer que les entreprises sont prĂȘtes Ă  payer plus cher pour un transport plus respectueux de l’environnement et, plus particuliĂšrement, pour l’utilisation des biocarburants dans les voyages aĂ©riens. »
C’est en tous cas le choix fort pris par Microsoft, bientĂŽt suivie par d’autres entreprises ? Il faudra bien que tout le monde y mette du sien car l’avion Ă  hydrogĂšne, zĂ©ro Ă©metteur de gaz Ă  effet de serre, ce n’est pas avant 2035

François-Xavier Izenic, rĂ©dacteur associĂ© de l’AFTM