Gel des tarifs négociés dans l’hôtellerie : une décision contestée

Ce fut LE grand débat qui a agité ces dernières semaines le secteur du voyage d’affaires aux Etats-Unis.

Le 29 avril, la GBTA (Global Business Travel Association) annonçait par communiqué qu’elle encouragerait le report des appels d’offres hôteliers à l’année prochaine et le maintien des tarifs négociés pour 2020 en 2021. Motivée par un devoir de responsabilité à l’égard de fournisseurs durement touchés par la crise, la décision est loin cependant de faire l’unanimité comme l’a rapporté l’excellent Business Travel News.

Dans son article (LIRE ICI), la journaliste recense les arguments des opposants et ça déménage ! Louise Miller, directrice associée d’Areka Consulting pour les Amériques, s’inquiète : « quelle sera la crédibilité des programmes hôteliers dès lors que les tarifs négociés seront sans doute plus élevés que les tarifs du marché ? » et de poursuivre : « cela met le travel manager dans une mauvaise posture à l’égard des voyageurs qui vont voir dans leurs outils de réservation des tarifs plus bas que les tarifs négociés et qui vont se dire : je ne peux ni faire confiance au programme ni à la TMC. Cela envoie le mauvais message ». Et risque de faire augmenter le leakage.

Steve Reynolds, patron de Tripbam, n’y va pas par quatre chemins dans une tribune publiée aussi par BTN (LIRE ICI) : « appliquez cette décision, c’est le meilleur moyen de perdre votre job ! » Selon lui, il est impossible pour un travel manager ou un acheteur de justifier auprès de son patron que l’entreprise ne bénéficiera pas de remises pendant près de deux ans : « A quoi servez-vous ? Pourquoi êtes-vous payé » lui sera-t-il reproché. Il enfonce même le clou : « A quand remonte la dernière fois qu’un hôtel a dit à un client en difficulté : nous maintiendrons toutes vos remises, nous ne changerons rien même si votre volume baisse de 90% ? » et de conclure par un très américain : « les affaires sont les affaires ».

Ann Dery quant à elle, patronne des voyages et du MICE chez S&P Global, approuve la décision de la GBTA : « vous ne pouvez pas lancer un appel d’offres efficace s’il n’y a pas de bénéficiaire de l’autre côté ». Mais elle insiste aussi sur la capacité de l’entreprise à être flexible et à savoir profiter des tarifs dynamiques. Au final, les pros et les antis partagent une même conviction : le changement radical de priorités, à savoir l’hygiène et la sécurité, le besoin de communiquer ces informations et de les configurer dans les outils de réservations, vont à coup sûr renforcer le rôle du travel manager dans un avenir proche. En voilà une bonne nouvelle !

Aérien : une sanglante guerre des prix ?

Il est assurément l’un des journalistes spécialisés dans le transport aérien les mieux renseignés. Fabrice Gliszczyinski prévoit une guerre tarifaire redoutable dès le mois de septembre.

Dans un article publié par La Tribune, il fait un parallèle avec la Chine où a été constatée une chute des tarifs de 40% depuis la réouverture des vols intérieurs mi-février. Les raisons de la guerre des prix à venir ? Engranger du cash rapidement pour les compagnies les plus faibles, gagner vite des parts de marché pour les low cost solides comme Ryanair, surcapacité chronique, faible prix du baril de pétrole. Un « prélude avant un mouvement de concentration de grande ampleur. Avec une hausse des prix à la clé ».

Aérien et voyages d’affaires : les liaisons dangereuses

Son extrême dépendance aux voyages d’affaires va-t-elle enfoncer un peu plus le transport aérien ?

C’est ce que pensent les analystes de Citi dans leur dernière note reprise par les Echos. Ils rappellent que les voyageurs d’affaires sont la pierre angulaire du transport aérien depuis des décennies. Ils représentent 15% du trafic pour 40% des recettes contre un rapport de 85% pour 60% pour les voyageurs loisirs. Or, avec la croissance des visioconférences et les économies à venir des entreprises, ils prévoient la disparition à terme d’un quart du trafic affaires. Un trafic très lucratif, sachant qu’une baisse de 1% de la fréquentation des classes « business » ampute de 10% les profits des compagnies. Bref, ça fait peur…

Webinar aérien : ce qu’il faut en retenir !

Une vraie réussite ! Le premier webinar de l’AFTM consacré aux avoirs et aux remboursements des billets d’avion annulés pendant la crise du Covid-19 a réuni plus de 170 participants. Pendant une heure, quatre intervenants ont répondu aux questions de l’animateur François-Xavier Izenic et des participants : Valérie Sasset (BCD France), Sébastien Guyot (Air France), Jamel Chandoul (Amadeus) et Claude Lelièvre (AFTM).

Sans recettes et avec dans les caisses 2 à 3 mois de trésorerie seulement, la plupart des compagnies aériennes affirment que le remboursement des billets des vols annulés aurait signifié leur mise en faillite immédiate. Les estimations évoquent le chiffre de 35 milliards de dollars de billets annulés dont 10 milliards en Europe et 500 millions d’euros en France.

En violation du règlement européen 261/2004 qui leur impose, en cas d’annulation de vols, de proposer en premier choix le remboursement du billet dans un délai de 7 jours, la majorité des compagnies aériennes ne propose que l’avoir. C’est le cas de près de 80% des compagnies opérant sur le marché français, dont Air France, selon l’UFC-Que Choisir qui les a mis en demeure de respecter leurs obligations.

Pour les entreprises, deux choix possibles :

  • accepter les avoirs, dans une logique de compréhension de la situation et de partenariat à long terme (position défendue par Claude Lelièvre pour les compagnies sous contrat) ;
  • exiger le remboursement en adressant directement un courrier à la compagnie, sans aucune garantie de résultat pour l’instant.

Sébastien Guyot a toutefois précisé qu’Air France remboursait intégralement et automatiquement les billets « fully flex » (sans contraintes), qui représentent la moitié des billets vendus au marché corporate.

Concernant les avoirs d’Air France (ou EMD), ils seront :

  • valables 12 mois,
  • remboursables à l’issue de cette période (Air France réfléchit à un mécanisme automatique le plus simple possible espère Sébastien Guyot),
  • utilisables sur n’importe quel axe,
  • et, point capital, cessibles. En effet, ces EMD sont nominatifs et envoyés par mail au voyageur dont le billet a été annulé. Si l’entreprise le souhaite, elle pourra donc en faire profiter un autre voyageur.

Mais pour ce faire, encore faut-il disposer d’un reporting précis de ces EMD. Seul le GDS est capable de tracer ces EMD. En collaboration avec Amadeus notamment, Valérie Sasset a précisé que BCD Travel serait en mesure sous dix jours d’adresser un reporting rigoureux de ces bons d’achat électronique à ses clients. Elle a par ailleurs insisté sur le travail considérable que ces EMD représentaient pour la TMC. Pour en illustrer la charge, Jamel Chandoul a révélé qu’il y avait aujourd’hui 2,5 millions d’actes d’après-vente quotidiens contre 150 000 en temps normal (annulation, échange…). Un enseignement de cette crise qui pourrait à l’avenir favoriser l’adoption de NDC, capable a priori d’automatiser ces procédures. Sébastien Guyot a par ailleurs ajouté que les PNR des billets annulés resteraient actifs sans doute jusqu’en juin 2021 afin de permettre à la TMC d’y accéder sans entraves.

En résumé, les EMD imposent aux entreprises 3 recommandations :

  • demander à la TMC le reporting exact de ces documents électroniques ;
  • les compagnies aériennes ayant chacune des conditions particulières, s’en informer précisément auprès de la TMC ;
  • attention, le risque de faillite est réel pour de nombreuses compagnies et, dans ce cas-là, les EMD ne seront jamais remboursés, le reporting précis permet donc aussi d’évaluer son risque (cela ne vaut pas pour des compagnies telles Air France qui seront, quoiqu’il arrive, secourues par l’Etat).

Pour finir, a été évoquée la gestion de ces EMD une fois le trafic rouvert et reparti :

  • leur traitement nécessitera une forme de “triage inverse”, en donnant la priorité aux EMD dont la date d’expiration est la plus proche.
  • leur traitement ne pourra se faire online mais nécessitera une transaction offline. Donc des répercussions sur les coûts et les frais de transaction.
  • le stock d’EMD, s’il est suffisant, pourra servir de levier de négociation avec la compagnie aérienne, celle-ci ayant bien sûr intérêt à les voir utilisés sur ses lignes et non à les rembourser.

 

François-Xavier Izenic

Les liens Internet évoqués par Jamel Chandoul (Amadeus) durant le webinar :
-> version FR : https://amadeus.com/fr/travel-channels-covid-19
-> version EN : https://amadeus.com/en/travel-channels-covid-19
-> concernant les “Airlines” : https://amadeus.com/fr/actualites/blog/covid-19-point-sur-la-situation-concernant-la-division-airlines

 
 
 

Webinar AFTM – Aérien et crise du Covid19 : quid des avoirs, reports et remboursements ?

Ce premier webinar d’une série de trois sessions organisée par l’AFTM (session 1 : l’aérien, session 2 : le ferroviaire, session 3 : les périmètres connexes aux déplacements professionnels) sera l’occasion d’échanger sur le lourd impact de la pandémie sur le marché aérien et du difficile redémarrage qu’il conviendra de gérer au mieux par les compagnies aériennes mais aussi par les entreprises ou organismes clients.

Les mesures qui sont mises en place par les compagnies aériennes pour gérer les annulations liées au Covid-19 et leurs conséquences pour les différents acteurs de l’industrie du voyage d’affaires seront également à l’ordre du jour.
 

Rejoignez-nous :
Le lundi 27 avril
de 11h à 12h15


Avoirs, reports, remboursements :

  • Quelles sont les mesures commerciales mises en place par les compagnies aériennes ? Elles concernent évidemment les entreprises mais à qui sont-elles adressées, aux voyageurs ou aux entreprises ?
  • Quelles sont les bonnes pratiques à recommander aux acheteurs et aux travel managers?
  • Quels sont les rôles des TMC et des GDS ? Quid des impacts sur d’autres acteurs tels que les prestataires de solutions technologiques (gestion automatisée des déplacements, tracking lié à la sûreté des voyageurs) ?

Edito mensuel de Michel Dieleman : Aérien et CO2, faisons le point !

Des mouvements écologiques se montrent très virulents contre l’avion. Je vous propose ici de prendre un peu de recul sur le débat actuel et de voir la situation dans sa globalité.

Vous avez sans doute entendu parler du flygskam, ce mot suédois que l’on traduit par “la honte de voler”. Lancé en avril dernier par 250 personnalités suédoises du cinéma, celui-ci fait des émules et est rejoint par de plus en plus de suédois. Les personnes qui adhèrent à ce mouvement s’engagent, pour des raisons écologiques, à ne plus prendre l’avion. Ce serment révèle un mouvement plus vaste qui tend à pointer du doigt toute l’industrie aérienne comme étant une grande source de pollution, notamment à cause des rejets de Co2 dans l’atmosphère. Prenons un peu de hauteur et faisons le point.

En 2016, selon CITEPA, l’aérien représentait 0,8 % des émissions françaises de gaz à effet de serre alors que les voitures en représentent 16 %. À lui seul, ce chiffre devrait faire taire tous les détracteurs de l’avion. Il faut néanmoins le contrebalancer par le nombre d’utilisateurs de chacun de ces modes de transports : en France, toujours en 2016, 79,1% de la population utilisait une voiture particulière et seulement 1,5% le transport aérien. A capacité de transport égal, l’avion pollue donc 2,5 fois plus que la voiture…

Forts de ces chiffres et face à une volonté farouche de mettre en avant la pollution du transport aérien largement supérieure à celle du train (60 fois plus selon CITEPA), plusieurs députés français proposent la possibilité de fermer certains aéroports et de supprimer des vols internes lorsque des alternatives raisonnables existent par le train. Le bulletin statistique du trafic aérien commercial révèle qu’en 2018, 26,8 millions de passagers ont été transportés entre deux villes de métropoles dont 26,6 au sein des 149 liaisons principales. Sachant que la majorité de ces vols pourraient être remplacés par des trajets en train de moins de 5 heures, cela révèle une utilisation excessive de l’avion en France. Le gouvernement se refuse néanmoins de passer par une interdiction et les annonces se multiplient, créant une cacophonie d’où il est compliqué de savoir quoi penser ni comment se positionner.

Le transport aérien est un incroyable vecteur de lien, d’ouverture et d’échanges pour les citoyens du monde. En agissant de façon responsable, nous répondons aux attentes de nos clients, de nos salariés, de toutes nos parties prenantes.

Benjamin Smith, DG d’Air France KLM.

Face à toutes ces attaques, l’industrie aérienne se défend et utilise de solides arguments pour plaider sa cause. Elle est par exemple le seul secteur à avoir pris un engagement global qui ne concerne pas seulement sa consommation de kérosène mais l’ensemble de l’industrie. Elles se sont ainsi engagées à neutraliser leurs émissions de Co2 à partir de 2020 puis à les diminuer de moitié d’ici à 2050 par rapport à 2005. Alexandre Juniac, le directeur général de IATA dénonce les gouvernements qui taxent de façon punitive mais ne soutiennent pas la recherche mise en œuvre par les compagnies.

Pour limiter leur impact environnemental, les compagnies aériennes optent pour des technologies innovantes, une optimisation des opérations aériennes, une évolution des infrastructures, la création et l’utilisation de carburants durables, une implication de tous les collaborateurs et une compensation carbone qui passe par des taxes via les EU-ETS mais aussi par des programmes de reforestations et des actions RSE.

Pour exemple, et cette compagnie n’est pas la seule à œuvrer en ce sens, Air France travaille ainsi pour proposer des alternatives durables à ses voyageurs. La société se place dans une ambition de performance globale et de contribution aux objectifs de développement durable mondiaux. Ce programme passe par trois axes : limiter et compenser ses émissions de Co2, réduire, recycler et valoriser ses déchets et modérer l’empreinte sonore de ses activités. En suivant cette philosophie, Air France a réduit en 2018 de 21,6 % ses émissions de Co2 par rapport à 2011.

En résumé, Il est important de prendre aussi en compte dans le calcul de l’empreinte écologique d’un trajet, le poids des infrastructures, pas seulement le trajet en lui-même. Selon les trajets, l’avion ne sera alors pas toujours le moyen de transport le plus polluant.

Quelques chiffres pour se détendre après ces réflexions, ô combien sérieuses !

  • Les sites de streaming génèrent plus de Co2 que l’industrie aérienne !
  • 1 kg de boeuf provenant du Brésil génère autant de Co2 qu’un vol Paris > Athènes !
  • Si les 4 milliards de passagers annuels réduisent leurs bagages de 100 g chacun, 1000 vols Paris > Bombay seront économisés !

Michel Dieleman,

Président de l’AFTM