SNCF : le changement est en marche

SNCF : le changement est en marche
Baisse de la commission agences, arrivée de la concurrence, développement du e-billet ou nouveaux services aux voyageurs, l’année 2010 s’annonce comme un virage sur les rails de la SNCF. L’AFTM revient sur les grandes lignes de ce dossier.

Les remises arrières ont été divisées par deux

Premier changement, depuis le 1er janvier 2010, celui de la rémunération. La commission de base accordée par la SNCF a baissé de moitié, passant de 4,8 à 2,4%. Un accord signé avec le Syndicat National des Agents de Voyage, en juillet dernier, a permis la création d’une « contribution complémentaire différenciée », rémunération variable calculée sur la base du chiffre d’affaires réalisé par l’agence sur les différents produits que la SNCF souhaite mettre en avant (des taux comme 2% pour les ventes en première classe, 0,5 % pour les ventes en ligne, une commission différenciée de 2% pour les axes TGV concurrencés, etc. ont filtré dans la presse). Selon la SNCF, cette compensation va permettre de ne baisser « que » de 0,5 point la rémunération des agences.

Combien d’entreprises pourront réellement retrouver leur niveau de remise initial : certainement très peu parmi celles qui travaillent en « livre ouvert » avec l’agence (appelé également management fee : l’agence de voyages reverse à l’entreprise toutes les commissions perçues). Le changement de politique du transporteur devrait donc avoir un impact significatif sur le budget du Travel Manager, défavorisant notamment celles dont les sites sont éloignés des axes TGV rémunérés ou dont la politique voyage n’autorise que la seconde classe. Selon le réseau d’agences AFAT Voyages, la perte de recette pour ses adhérents pourrait atteindre 500 000 € en 2010. Une paille qui viendra bien un jour ou l’autre épaissir le matelas de charges que doivent déjà payer les entreprises qui fonctionnent en transaction fee (rémunération fixe de l’agence à la transantion) ! Les Travel Managers regrettent bien évidemment que ces négociations entre les agences et le transporteur se soient déroulées en petit comité l’été dernier, totalement dans leur dos …

 

La concurrence arrive

Une rame Trenitalia
Une rame Trenitalia
Officiellement, cette baisse de rémunération des agences n’est pas un choix mais une obligation liée à la concurrence : ” Ce nouvel accord permet à la SNCF de se situer dans la bonne moyenne des taux de rémunération des distributeurs accordés par les différentes compagnies de chemin de fer européennes qui deviendront peut-être des concurrents directs demain “, expliquait en juillet à Tourmag Marylise Colombo-Lecomte, directrice des ventes indirectes de la SNCF. Cette ouverture du rail européen à la concurrence est en effet devenue réalité à la fin décembre, avec la possibilité pour les autres compagnies de faire rouler leurs rames sur les rails de Réseau Ferré de France moyennant péage. Pour l’instant, deux candidats se sont déclarés sur des liaisons très précises : Berlin Night Express, qui souhaite concurrencer la SNCF et la Deutsche Bähn sur le trajet Paris-Berlin, et l’opérateur historique italien Trenitalia, qui souhaite faire circuler des trains entre Paris et Milan, avec un arrêt à Lyon, concurrençant ainsi la SNCF sur le trajet Paris-Lyon. Trenitalia aura cependant un handicap, sa vitesse : la compagnie roule moins vite que le TGV de la SNCF ce qui, en dehors de décourager les passagers, va la contraindre à payer un péage plus élevé à RFF, dont elle encombrera les lignes plus longtemps. Il reste que, potentiellement, la SNCF doit se méfier des projets de la concurrence et rester vigilante sur les prix !

 

L’argument vert

Dans un contexte où la pression de la sécurité allonge les temps d’attente aux aéroports, le TGV a de beaux jours devant lui face à la concurrence de l’avion. Il a par ailleurs un autre atout, l’écologie. Par comparaison avec l’avion ou l’automobile, le bilan de CO2 du rail, évalué par l’observateur neutre que constitue l’ADEME, est toujours en faveur du train. Et à l’heure où les entreprises vont devoir publier un bilan carbone de leurs activités, ce joker n’est pas neutre pour conquérir la clientèle d’affaires. Eurostar et Thalys publient d’ailleurs maintenant sur leurs billets le taux de CO2 émis, permettant aux entreprises qui souhaitent améliorer leur bilan d’évaluer au mieux leurs émissions de gaz à effet de serre.
Il reste que l’écologie n’est pas un argument suffisant pour les voyageurs d’affaires qui, outre un élément prix et rapidité, attendent du train facilités, accessibilité et praticité pour rejoindre leurs destinations avec un certain confort.

 

Le e-billet

Premier service pour simplifier la vie des passagers du train, le e-billet, que la SNCF présente comme une première mondiale et qui devrait aller encore plus loin que le billet électronique du transport aérien. Il a bien des avantages :
▪ Plus besoin de retirer son billet en gare ou en boutique SNCF
▪ Finie l’attente pour recevoir votre billet par courrier
▪ Finis les risques de perte ou d’oubli de votre billet
▪ Plus besoin de composter
▪ Un SAV simplifié car, si les conditions du billet le permettent, il sera possible d’annuler le billet en ligne avant le départ, sans repasser au guichet d’une gare.
▪ Si vous êtes porteurs d’une carte de fidélité Grand Voyageur ou Grand Voyageur le Club, plus besoin d’imprimer votre confirmation e-billet, la carte de fidélité fait désormais office de titre de transport.Pour l’heure, toutes les lignes ne sont pas accessibles au e-billet, loin de là. Le service est en test uniquement sur une grosse douzaine de parcours au départ de Paris. Exit pour le moment toutes les lignes secondaires et les TER, compléments indispensables du maillage TGV. Heureusement, le début du “Big Bang” devrait avoir lieu début avril*… Des tests très prometteurs si l’on en juge le taux d’adoption spontané mais un départ un peu retardé le temps de finaliser quelques points techniques liés à la volumétrie. Les éditeurs de SBT (Self Booking Tools) sont maintenant prêts à faire feu, le petit doigt sur la couture du pantalon.Demain, la technologie ira plus loin puisque la SNCF développe actuellement avec Gemalto, spécialiste des cartes à puces, un système permettant d’acheter, et de composter, son billet de train depuis son téléphone portable. Le projet devrait commencer à être déployé en 2011 et devrait à terme signer l’arrêt de mort du billet de train, puisqu’il suffira d’approcher son mobile d’un lecteur pour composter.prouver la possession d’un billet valide.

(*) Le 18 mai 2010, la SNCF a annoncé la généralisation du e-billet à partir du 8 juin 20010 sur de nombreuses lignes TGV et Téoz. L’utilisation se fera dans un premier temps avec le mémo voyageur porteur d’un flash code. L’extension aux porteurs de cartes équipées de flash code (Grand Voyageur et Fréquence) est attendue pour l’automne.
Les problèmes techniques rencontrés au démarrage semblent maintenant être un mauvais souvenir et l’AFTM, qui a depuis le début suivi et soutenu ce projet, s’en réjouit !

 

Wi-fi à bord

Autre service très attendu par les voyageurs d’affaires, le wi-fi à bord. Il est devenu réalité sur les Thalys et l’Internet dans les trains à grande vitesse devrait se généraliser à partir de cette année, grâce à un nouveau système de satellite. Techniquement, le système sera à peu près le même que celui utilisé sur Thalys (le principal laboratoire des innovations du transport ferroviaire) avec une liaison satellite montante et descendante, un lien sol-bord, et un complément de réseaux terrestres sans fil (GPRS, 3G, WiFi). Il reste le problème du prix d’accès: «On peut imaginer pouvoir accéder gratuitement à une partie du portail que l’on mettra en place, mais pas à sa totalité», expliquait Guillaume Pepy début janvier. Le patron de la SNCF hésite encore sur les offres payantes à mettre en place : abonnement annuel, forfait mensuel…Il souhaite en discuter avec les associations d’usagers avant de fixer une première grille tarifaire. Fin 2008, la SNCF évoquait un tarif de 5 € de l’heure. Réponse dans quelques semaines.
Après les 26 rames du Thalys qui offrent gratuitement internet aux voyageurs de Confort 1, 15 des 52 rames du TGV Est devraient être équipées en service Internet haut débit d’ici la fin juin et la totalité à la fin de l’année. Là encore il ne faudra pas oublier les axes secondaires car certaines grandes lignes ignorent encore ce que signifie le simple téléphone mobile, faute d’antennes GSM sur le parcours (peu pratique pour retarder son rendez-vous quand le train s’arrête en rase campagne pour cause d’intempéries ou lorsqu’un troupeau d’hippopotames a traversé la voie).

 

Des services tous azimuts

Parmi les autres services annoncés au cours de la même conférence de presse du 7 janvier, une radio pour les voyageurs, afin de renforcer la communication, notamment en cas de crise. Cette radio, captable sur les sites Internet de la SNCF dans un premier temps (et par extension sur les téléphones 3 G), fournit toutes les 15 minutes (quand elle n’est pas en panne !) un flash sur l’état du trafic et permettra des décrochages locaux pour des infos pratiques utiles en cas de pépin. Dotée d’un programme musical sympatique, la radio devrait à terme être diffusée dans les gares.

Pour l’info en continu, la SNCF a lancé en 2009 SNCF Direct, disponible sur iPhone et en cours de développement pour Windows Mobile, Android et Blackberry. Téléchargée plus de 550 000 fois, l’application semble avoir trouvé son public ! Elle permet de faire des réservations, de disposer d’infos en temps réel sur le trafic, fournit des plans d’accès aux gares, les numéros de voie de trains etc. La SNCF s’adresse ici manifestement à ses clients les plus fréquents et sans nul doute aux voyageurs d’affaires.

Autre nouveauté, un calendrier devrait être mis en place au deuxième semestre sur les systèmes de réservation grand-public pour trouver le meilleur tarif disponible. Un service destiné aux voyageurs ayant des dates de trajet flexibles donc plus tourisme que business malheureusement. Le système devrait se rapprocher des grilles de tarifs des compagnies aériennes, qui proposent les tarifs les moins chers à une ou deux journées près.

Les réclamations vont également être gérées en ligne : sur 1,3 milliards de trajets, la SNCF reçoit chaque année un million de réclamations qui sont traitées en moyenne en 3 semaines. En créant la possibilité d’émettre une réclamation en ligne avant l’été 2010, Guillaume Pépy a promis un accusé de réception immédiat et une réponse sous 48 heures. Depuis décembre 2009, le Règlement Européen sur les « Droits des passagers » est entré en vigueur. Il prévoit notamment le droit de bénéficier d’une compensation en euros pour tous les retards supérieurs à 1h00, imputables au transporteur. La SNCF conserve le principe d’Engagement Horaire Garanti à partir de 30 minutes de retard, tout en l’enrichissant de nouveaux modes de compensation, plus flexibles et abandonne partiellement les conpensations en coupons de voyages pour passer aux espèces sonnantes et trébuchantes.

 

Beaucoup de promesses qui restent à concrétiser

Si nous dressons un bilan rapide, nous constatons donc que beaucoup de chantiers sont ouverts sur des sujets réclamés depuis longtemps par les Travel Managers. Le saut technologique est cette fois engagé. Nous suivrons de très près ces évolutions qui feront le moment venu l’objet de brèves d’actualités sur notre site.
Reste que ces solutions sont encore très “Loisir” et sont loin de couvrir de façon exhaustive les besoins des voyageurs d’affaires. La SNCF se dégage pour le moment quelques points de marge supplémentaire mais elle le fait essentiellement sur le dos des entreprises : certainement une manière de ménager ses arrières avant l’arrivée d’une concurrence européenne plus active comme l’a vécue l’aérien. Air France ne vient-elle pas de plier devant la pression des compagnies à bas coût en lançant NEO ? On dirait que l’histoire se répète, non ?