Côte d’Ivoire, Tunisie, Algérie… la liste des pays en crise s’est allongée ces dernières semaines, rendant les voyages d’affaires plus difficiles sur ces destinations. L’entreprise, tenue par des obligations légales de responsabilité vis à vis des salariés, doit passer aux voyageurs les bons messages de prévention et de sécurité. Lors de notre enquête, Xavier Carn, Directeur Sécurité d’International SOS & Control Risks, les résuma en une formule : “En voyage, vous êtes votre meilleur ami… et votre pire ennemi !”.
“La première question que doit se poser le voyageur avant de se lancer dans un déplacement professionnel vers un pays à risques, c’est de se demander si ce voyage est bien indispensable” précise Xavier Carn. Curieusement, de nombreux voyageurs d’affaires sont encore peu sensibilisés à leur propre sécurité et ne s’interrogent pas vraiment sur ce point. Pour peu que la chaine de validation de leur déplacement ne passe pas directement par leur Travel Manager plus au fait de ces questions, il leur est possible de s’embarquer vers des pays à risques. Des risques de toutes natures: du kidnapping à l’attentat, dans les pays les plus dangereux, à la simple délinquance dans un pays d’apparence anodine. Sans oublier les risques sanitaires, multiples dans les pays émergents. Deux clés indispensables peuvent permettre d’y faire face: l’information et la formation.
L’information, clé de voûte de la sécurité
Savoir s’informer est la base de la démarche du voyageur d’affaires qui prépare son départ: les risques sanitaires (vaccins, prévention notamment) mais aussi les règles d’entrée dans le pays (visa, lettre d’invitation,…) et toutes les informations sur le pays lui même et son contexte: les zones dangereuses par région, ville ou même quartier de la destination, la sécurité des moyens de transport, des infrastructures hôtelières, et surtout la qualité du support sur place. Y va t-on seul ou y a t-il un correspondant, un client, une filiale ? “Il faut se faire une idée globale du niveau de risque”, souligne Xavier Carn, qui remarque l’inconscience pure de certains voyageurs qui se rendent en Afrique sub-saharienne sans avoir aucune idée des zones où le traitement antipaludéen est indispensable, et même le vaccin contre la fièvre jaune. “Cela va au-delà du risque, sans le vaccin, certains pays ferment la porte au voyageur, ce qui compromet sa mission”. Pour intégrer toutes les informations, les entreprises dotées d’un service médical ou d’un Directeur de la sécurité fournissent des interlocuteurs tout trouvés aux voyageurs d’affaires, mais les spécialistes de la sécurité suggèrent de visiter également les ressources officielles type Quai d’Orsay, site du Ministère canadien des affaires étrangères ou son pendant britannique du Foreign and Commonwealth Office (il peut être utile de comparer voire d’agréger les conseils, complémentaires) ou encore les fiches spécialisées mises à disposition par les partenaires de l’AFTM que sont International SOS ou Mondial Assistance notamment.
Le ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAE) propose le Fil d’Ariane : mis en place pour les Français établis à l’étranger mais aussi pour les Français de passage, l’inscription à ce nouveau télé-service du MAE est un moyen d’améliorer l’assistance aux ressortissants français (localisation, prise de contact avec les familles, etc). il est accessible sur le site internet : www.diplomatie.gouv.fr – Rubrique “Conseils aux Voyageurs” – “Ariane, voyager l’esprit tranquille”.
La préparation au voyage passe par la préparation de la réception. Quel type d’accueil à l’arrivée: avec un correspondant, un système “meet and greet” sécurisé ? Suggérez par exemple à vos hôtes ou à vos filiales de ne pas venir chercher un voyageur en inscrivant son nom et sa société sur une ardoise ou un papier, comme cela se fait classiquement, mais avec un élément distinctif difficile à reproduire dans l’instant comme un catalogue ou un logo de la marque. Cela évitera à un intru de s’intercaler et de préparer toute interception dès la sortie de la douane. Le kidnapping n’est pas systématique mais un faux taxi complice vous éloignera rapidement de l’aéroport et vous proposera un retour au point de départ moyennant finances…
Préparer son arrivée, c’est parfois travailler son transfert. Ainsi à Rio, pas question de prendre un taxi à la volée: il faut passer par le comptoir de réception de la compagnie dans l’aérogare pour y retirer un “voucher” portant l’immatriculation du véhicule. Cela limite agressions et enlèvements.
Par ailleurs les voyageurs ne doivent pas seulement se demander s’ils ont le droit ou non d’aller dans un pays, mais aussi bien vérifier quel est le prestataire d’assistance qui viendra en soutien dans un pays à risque comme le Pakistan, l’Irak, l’Afghanistan. Et même dans des pays où le risque est moindre, toujours avoir sur eux le contact avec le prestataire d’assurance et d’assistance, sur papier et dans le téléphone portable pour joindre le bon interlocuteur en priorité, en cas d’incident. “Il faut aller jusqu’à détailler quels moyens mettre en place en cas de problème sanitaire”, souligne le Docteur Philippe Biberson, Directeur Médical – CEMA d’International SOS, “Avec l’établissement médical ou le numéro à appeler pour communiquer sans délai en cas de souci. Un petit problème prend vite de l’ampleur dans certains pays, il est utile de toujours savoir où se rendre pour se faire soigner correctement au lieu d’attendre un retour tardif”. Une position que Mondial Assistance a toujours rappelé à l’occasion des Ateliers ou diners débats de l’AFTM.
Un adhérent de l’Association propose à tous ses voyageurs une petite carte plastifiée au format carte de crédit : la garantie qu’il auront toujours sur eux les numéros utiles et les contacts d’urgence (Assistance, agence de voyage en journée et 24/24, perte ou vol de carte bancaire, de téléphone ou d’ordinateur, service voyages, services d’échanges des principaux transporteurs, support informatique …). La carte-mémo peut aussi être téléchargée directement sur l’intranet en cas de besoin.
La formation, un aspect à ne pas négliger
Difficile de convaincre de vieux routards de suivre des formations de sensibilisation à la sécurité en voyage. Et pourtant: ” Elles permettent de mettre à plat les risques, d’éviter la banalisation du voyage”, explique Xavier Carn, “Il est nécessaire de faire de temps en temps des piqûres de rappel, et c’est à nous de rendre ces sessions attractives et interactives, pour permettre à chacun d’entendre et réentendre les idées ou les solutions de sécurité à mettre en place”. Préparer dans le détail son voyage mais aussi réagir à un accident de la route, à un vol de papiers, faire face à une foule qui s’énerve, ce n’est pas une évidence et les rappels de bon sens ne sont pas superflus. “Les mêmes angoissés du kidnapping sont capables de boire au robinet de l’hôtel sans se poser de question ou de sortir leur smartphone en plein bidonville”, constate Xavier Carn qui souligne que ces sessions permettent aussi de relancer la motivation santé et sécurité d’un voyageur d’affaires au long cours.
De nombreux organismes officient sur ce type de prestation , comme International SOS, Secopex ou Orca Security. Ils proposent des sessions détaillées, génériques et valables pour tous les pays du monde ou des formations spécialisées pour certains terrains d’intervention, en fonction des besoins. Ces sessions se suivent en fonction des besoins au sein de l’entreprise ou au siège des formateurs. Des e-learning sont possibles, en une heure pour certains, avec tests sur les réponses pour mesurer que les consignes sont bien intégrées: les règles à l’hôtel, à l’aéroport, comment demander assistance, quelles règles de mobilité,… La liste est longue et détaillée. Plus synthétiques et en urgence, International SOS met aussi en place des “webinars”, en dernière minute, avec des consultants du pays concerné, pour rappeler les règles ou informer le voyageur de façon plus “pointue”. “Les besoins sont variables selon les entreprises, leur secteur d’activité et même leur maturité. Les pétroliers sont habitués depuis bien longtemps à gérer les risques sécurité, mais tout le monde n’est pas à ce niveau d’intégration, et cela dépend également de la culture de l’entreprise”, remarque notre interlocuteur. Le message essentiel de ces formations: s’informer, rester vigilant et com-mu-ni-quer. Pas question de circuler dans un pays sans prévenir, toujours faire savoir où vous êtes et ce que vous faites. On vous le disait: l’information, c’est la clé.
Selon Xavier Carn, les Travel managers doivent savoir et mesurer comment ils sont “enchâssés” dans le processus de décision de l’entreprise pour agir efficacement: “Aussi essentiel soit-il, le TM n’est qu’un interlocuteur dans une chaîne, il est essentiel qu’il prenne bien toute sa place dans le processus de décision pour être un interlocuteur sur les aspects sécurité du voyage, vis à vis du siège mais aussi des “business unit”, filiale, DRH ou DAF. Il faut éviter les à-coups, pour éviter le contournement, et faire naturellement partie du processus de validation là où l’entreprise a une obligation légale”. Le spécialiste reconnait que de plus en plus d’entreprises mettent en place des filets de protection sécurité et santé. Pour lui, il importe de vérifier que les deux aspects sont bien traités, “Avec des informations précises qui comportent une réactualisation permanente” à mettre à disposition des salariés, via l’intranet ou le SBT par exemple.
La fonctionnalité d’alerte des voyageurs ou des TM sur des réservations en zone à risque a pris de l’importance ces dernières semaines. Elle existe chez BCD Travel depuis longtemps, elle vient d’être intégrée chez Egencia. Un système de cartographie vient également d’être intégré dans Traveldoo Risk Managers. L’aspect “gestion de la sécurité” avec message d’alertes devient un point clé dans le choix de la TMC ou du SBT
L’autre domaine d’intervention du TM, c’est la formation. Même si la question ne relève pas directement de sa compétence, il doit agir pour mettre des actions de sensibilisation des voyageurs au programme du service Formation, et inviter les voyageurs à les suivre. Par ailleurs les PME et PMI qui ne disposent pas de spécialistes de la sécurité dans l’entreprise doivent savoir où se tourner pour avoir conseils et informations avant et même pendant le voyage. International SOS et Geos, notamment, offrent ainsi des contrats de conseil bien utiles pour préparer des missions dans les pays à risques.
Dans votre communication, n’hésitez pas à citer quelques exemples ou anecdotes vécues par des collègues de votre entreprise (de manière anonyme le cas échéant). Cette proximité de cas concrets évitera le traditionnel « ça n’arrive qu’aux autres » et rendra votre discours plus convainquant.
1 – Avant de partir – s’informer et anticiper
- Connaître le contexte géographique et politique, les consignes de précautions du pays, valider les règles d’entrée du pays (ESTA pour les Etats-Unis, lettre d’invitation pour la Libye ou l’Arabie Saoudite par exemple) en croisant plusieurs sources d’information pour éviter le grain de sable à la douane.
- Mettre dans son portable et sur un bloc notes les numéros d’urgence (contact sur place, consulat ou ambassade, services d’assistance entreprise, voire hôpital ou médecin francophone, à récupérer sur site de l’ambassade de France ou celui du MAE).
- Préparer son transfert. Mettre éventuellement en place un logiciel de tracking sur son téléphone portable d’entreprise. Apprendre quelques mots de la langue, pour désamorcer et lier le contact sur place.
• Confier une copie de ses documents de voyage à l’un de ses proches ou mieux, les stocker dans l’un des coffres-forts électroniques accessibles en ligne. Le portail de l’administration française s’est enrichi d’un espace personnel et confidentiel dans lequel les voyageurs peuvent créer un espace de stockage gratuit pour leurs documents les plus importants comme copie des papiers d’identité et ordonnances médicales (des sociétés privées proposent aussi cette possibilité sur abonnement payant). Les documents sont stockés sous format pdf et sont accessibles à tout moment.
- En cas de maladie chronique ou d’antécédents nombreux et compliqués, faire rédiger par le médecin familial un compte-rendu médical, si possible en anglais, résumant la situation du voyageur (antécédents, descriptif de la maladie, résultats des derniers examens ou tests pratiqués) et mentionnant le traitement habituel et sa DCI (Dénomination Commune Internationale). Elle permettra de trouver un équivalent rapidement sur place. Ne jamais se séparer de leur traitement habituel, même dans l’avion.
2 – Sur place – Etre vigilant
- Respecter les us et coutumes, dans la tenue (notamment les dames) comme dans l’usage (pas d’alcool en public dans pays musulman, ne pas manger publiquement en période de ramadan ,…). Etre discret pour ne pas attirer l’attention (oublier tous signes extérieurs de richesse, les appareils photos à proximité des lieux officiels ou lors de manifestations …).
- Etre vigilant lors des retraits d’argent. Pas de change au noir. Gare aux bousculades mises en scène. Prévoir ses déplacements et les annoncer par SMS. Préenregistrer quelques SMS simples et prêts à l’emploi pour annoncer, sécuriser et alerter au cas où. En ville, circuler vitres fermées et portières bloquées. Ne pas laisser d’objet tentant sur la plage ou le siège arrière (sacoche, ordinateur).Hors agglomération, ne pas circuler la nuit.
- En cas d’incident, garder son sang-froid, ne pas provoquer. Avoir sur soi un portefeuille leurre (avec des tickets, quelques photos et papiers anodins, voire une ou deux cartes périmées et un peu d’argent pour la crédibilité) pour avoir quelque chose à donner en cas d’agression.