L’affaire récente du nuage de cendres et, malheureusement, d’autres beaucoup plus dramatiques , nous ont rappelé, s’il en était besoin, qu’il est indispensable d’avoir en permanence un œil sur les voyageurs de l’entreprise pour pouvoir les localiser et, ainsi, assurer leur sécurité ou tout simplement leur porter assistance. Les outils pour le faire se multiplient et parfois se superposent. Le point sur ce dossier.
La question a l’air d’une boutade, mais elle n’en est pas une : faut-il écrire « tracker » ses passagers, quitte à commettre un anglicisme, ou « traquer » en bon français mais avec le double sens que l’on sait et la suspicion qu’il engendre ? Nous garderons le français mais nous n’oublierons pas que nos voyageurs, soucieux de leur indépendance, apprécient peu que l’on puisse savoir en permanence où les trouver. Et pourtant, leur sécurité fait partie des obligations légales de l’entreprise. L’article le code du travail, dans son article 230-2, oblige les entreprises à assurer la sécurité de leurs collaborateurs, et cela ne souffre aucune discussion. Cela comporte les risques sanitaire : qu’il soit sur son lieu de travail ou en déplacement, l’entreprise doit prendre toutes dispositions pour être en capacité de protéger la santé du collaborateur, éventuellement de le soigner et de le rapatrier avec prise en charge de ses frais de santé. Il convient également d’assurer sa sécurité avec des prestations liées à de la prévention, pour évaluer les risques sur place et les éviter notamment. International SOS a très récemment publié une étude sur le devoir de protection des entreprises vis-à-vis des salariés, disponible dans la Bibliothèque du site AFTM. Une responsabilité à ne pas prendre à la légère, sous peine de sanctions lourdes. Et s’il n’est pas concerné directement par la sécurité à l’intérieur de l’entreprise, le TM est de plus en plus souvent sollicité pour diagnostiquer et optimiser l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des salariés dans le cadre de leurs déplacement (décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001). Sur quels outils s’appuyer ? Là est la question.
Trouver le bon outil
Les agences et leur reporting ont longtemps été les seuls moyens d’information du TM. Toutes ont mis en place, avec d’autres fournisseurs éventuellement, des systèmes de prévention et d’information et la concentration de toutes les informations en un seul point constitue une aide à la gestion de sécurité des voyageurs. Nous pouvons déjà à ce stade nous demander comment traiter ces données quand, par choix, l’entreprise a multiplié ou éclaté ses sources d’achats (Internet, sites propriétaires des compagnies ou des groupes hôteliers, etc…). Sous une autre forme, outre ses applications pour le respect de la politique voyages, le SBT est très pratique pour transmettre les informations – voire les consignes- au voyageur sur le départ. C’est ainsi une information de prévention qui est délivrée, pays par pays ou destination par destination. Pratique et simple. Par exemple, Avexia, membre du groupe American Express, signalait très récemment son partenariat avec Sécurité sans Frontières. Au sein de leur Espace Client Avexia, chaque voyageur et son responsable disposent d’analyses territoriales précises, cartographiées et restituées par niveaux d’alertes thématiques (géopolitique, socio-économique, risque terroriste, délinquance, déplacements intérieurs) pour mesurer les risques encourus lors d’un voyage. Pendant son déplacement, l’entreprise et le voyageur sont avertis automatiquement et en temps réel par e-mail, des urgences sécuritaires liées à la stabilité politique, socio-économique, terroriste ou à des évènements sanitaires et catastrophes naturelles, afin de réagir et d’accompagner au mieux les voyageurs impliqués dans des situations complexes. La quasi-totalité des partenaires de l’AFTM permettent ainsi d’alerter le voyageur ou de le « pister » pour faire le point du nombre de collaborateurs situés à un endroit donné lors d’un incident.
Il reste que ces solutions souffrent d’un double problème. Le premier, c’est que trop d’infos tue l’info ! Ainsi l’un des gestionnaires de prévention a diffusé en juin 2010 quelques 613 alertes de sécurité, sur 116 pays. Méritoire et sans doute indispensable dans les grands groupes. Mais risqué : le TM et son voyageur risquent d’être comme Pierre et le Loup et, noyés sous l’info, de ne plus parvenir à discerner l’essentiel de l’accessoire. Tout le souci est ainsi de parvenir à l’équilibre entre l’indispensable et l’utile.
L’autre difficulté, c’est que les voyageurs ne passent pas nécessairement par l’outil pour réserver leurs déplacements, et il reste de larges trous dans le filet. Comment, par exemple, tracer un voyageur parti de Paris à Bombay lorsqu’il quitte Bombay pour prendre un train local et se rendre à 200 km de là . Ce train est payé en espèces à la gare, l’hôtel est pris sur place, il n’y a pas de trace dans les reporting. Les SBT, quels qu’ils soient, ne pourront techniquement jamais répondre à cette question. La quadrature du cercle.
Des entreprises spécialisées
Des entreprises se sont depuis plusieurs années spécialisées dans le tracking des voyageurs en reprenant les infos fournies par le reporting, mais pas seulement. Ainsi ConTgo, grâce aux fonctions avancées des dossiers de réservation (PNR), permet d’extraire en temps réel des informations pour localiser un voyageur ou lui envoyer des messages ciblés par sms ou mail, même si la résa n’a pas été faite par le canal de son agence de voyages habituelle. Commercialisée en direct auprès des grands comptes comme Nokia ou Orange, la solution est également disponible auprès d’Amex, BCD, Carlson Wagonlit Travel et s’approche sans doute, à moyen terme, de la solution d’un reporting global et unique que tout le monde recherche. ConTgo permet notamment, via des technologies de pointe, de localiser les voyageurs via leurs mobiles. Une avancée technique qui n’est pas sans poser de questions déontologiques sur la liberté de mouvement des collaborateurs, mais qui peut rendre de fiers services. Dans le même esprit, International SOS établit une cartographie en temps réel du personnel en déplacement accessible via Internet, il s’appuie sur des informations sécurisées des réservations de voyages, et constitue un outil de centralisation des données en cas de crise : localisation immédiate des collaborateurs, dates et lieux de destination, numéros de vol, coordonnées de l’hôtel, numéros de téléphone mobile etc. Géos propose de son côté le géo-positionnement des salariés via leur ordinateur ou même une balise, pour les secteurs les plus sensibles.
Technologie, le pari des dix prochaines années
Tous les experts l’affirment : “C’est la technologie qui va bousculer les techniques sécuritaires déployées aujourd’hui”. Outre les simples alertes, les téléphones mobiles deviennent de vraies balises de géolocalisation utilisables avec l’accord des entreprises par des sociétés spécialisées dans la recherche de personnes. Le procédé est désormais rodé et peut donner d’excellents résultats dans les pays industrialisés… Mais reste très en retrait dans les pays en voie de développement. Les solutions sont en cours pour permettre une localisation partout dans le monde. Rien de bien concret avant deux ou trois ans. Peut-on rêver à la version 2020, qui fait figure de science-fiction mais est déjà annoncée par les professionnels de la sécurité ? Dans un document soumis à l’appréciation de la TSA (Transportation Security Administration), TecWhere veut implanter sous la peau des voyageurs une puce d’identification capable d’être repérée par un satellite et qui pourrait permettre une localisation à 10 mètres près du lieu où se trouve le porteur de la puce. “C’est juste un projet”, précise la jeune entreprise qui commercialise déjà un procédé identique pour les enfants issus de familles fortunées et susceptibles d’être enlevés. “Tous les outils de géo localisation automatique que nous connaissons vont se simplifier, se miniaturiser et offrir de véritables alternatives aux entreprises qui veulent suivre leur personnel”, explique André Flink, expert en géo localisation, “Mais il faudra régler le problème moral. Le voyageur va t-il accepter d’être suivi en permanence, même pour sa sécurité ? Si Big Brother devient trop présent, la culture et l’ambiance d’entreprise pourraient en pâtir. Face aux possibles réactions du personnel, on peut se demander si le jeu en vaut la chandelle”.
Gros enjeu pour la sécurité des collaborateurs, le tracking est un sujet sensible dans l’entreprise. L’idéal pour les Travel Managers serait évidemment de trouver le support simple, pratique et synthétique, et dans l’idéal en temps réel, pour savoir qui est où à l’instant T. L’avantage du nuage de cendres, avec les soucis qu’il a provoqués, c’est qu’il va permettre aux Travel managers de communiquer sur la nécessité de l’information à partir d’un cas qui a touché de près ou de loin tout le monde, finalement pas trop dramatique et en tout cas très médiatisé. La démonstration a été faite que nous avions besoin d’avoir toutes les données pour aider les voyageurs. Le message est passé, il reste à développer la solution idéale.