Pas de répit pour les professionnels de l’hôtellerie : fortement bousculés depuis deux ans par la crise économique, la normalisation de leur secteur et la montée en gamme des exigences des clients, ils doivent suivre activement le mouvement d’un secteur en pleine remise en question. Les Travel Managers observent cela d’un œil attentif, car le confort des voyageurs d’affaires et leur budget en dépendent !
C’est une véritable lame de fond qui a emporté depuis deux ans le secteur de l’hôtellerie. Une lame de crise, bien sûr, puisque l’hébergement s’est révélé être – comme le transport aérien- une variable d’ajustement des budgets voyages des entreprises. Depuis 2008, moins question de 5 étoiles, plus question de 4 étoiles, la norme des politiques voyages est au 3 voire 2 étoiles. Mais en réalité, ce n’est plus le nombre d’étoiles qui est la norme, c’est le prix. D’où des négociations parfois forcenées qui ont permis à des acheteurs de grands groupes d’obtenir des chambres 4 étoiles au prix de 3, service voire petit déjeuner inclus. Un mouvement de fond qui, comme pour les compagnies aériennes, a conduit à une reconstruction du secteur soumis, au même moment, à l’effort de la normalisation.
Une hiérarchie en reconstruction
Parallèlement à la pression économique, l’hôtellerie est en effet appelée depuis un an à se repositionner dans de nouvelles normes de classification. Une normalisation souhaitée par tous mais onéreuse, tant du point de vue des investissements à faire – pour se maintenir ou monter en gamme- que des audits à passer. Et ce n’est pas fini puisque se profilent les mises aux normes 2011 et 2015, respectivement sur l’incendie et les personnes à mobilité réduite (PMR).
Si la disparition des hôtels « zéro étoile » ne fera pleurer personne, l’étude publiée par le Comité de modernisation de l’hôtellerie française, s’appuyant sur des enquêtes clients et des données de CCI, annonce la disparition de 4000 hôtels classés d’ici trois ans, c’est-à-dire davantage que ces 15 dernières années. Selon le Comité, ces indépendants (83% des hôtels classés), avec leurs petits hôtels de 25 chambres en moyenne (contre 80 pour les établissements de chaînes), sont confrontés à un problème de rentabilité. Le secrétaire d’état au tourisme, Hervé Novelli , a pris conscience du risque et souhaite repousser de 4 ans les normes incendies, pour permettre à cette petite hôtellerie de faire face. Mais pour l’heure, aucune décision officielle n’a été prise. De quoi inquiéter les Travel Managers habitués à gérer de petites adresses de proximité pour des équipes d’intervention en province : ils vont sans doute devoir revoir leur maillage dans l’Hexagone.
Peut-on penser que, mécaniquement, ces disparitions vont provoquer des hausses de tarifs pour l’entrée de gamme ? Ce serait logique mais ce n’est pas certain, car la disparition (ou la réduction) du nombre des hôtels indépendants s’accompagne du regroupement de ceux qui restent. Pour améliorer leur visibilité, leur commercialisation et leur référencement, les plus petits établissements s’adossent en effet à des réseaux de franchisés ou sont rachetés par les chaînes. D’où le développement, depuis deux ans, des Formule 1 et Etap Hotels (Réseau Accor) ou la croissance du groupe Choice, qui annonce pratiquement chaque semaine l’intégration de nouvelles adresses dans sa marque Comfort ou Quality Hotels. Des regroupements qui devraient permettent de consolider les marchés et, par là, de lisser les prix.
Toujours plus de services
Cette reconstruction de la filière hôtelière s’accompagne d’une autre montée en puissance, celle de l’exigence des clients et des entreprises pour le «tout inclus». Première revendication : le wifi. Pour consulter ses mails, reprendre ses dossiers et travailler le soir, le voyageur d’affaires a besoin d’internet, et de plus en plus d’entreprises refusent d’en faire une dépense supplémentaire. A fortiori quand l’hôtelier commercialise la journée de Wifi au prix d’un mois d’abonnement privé avec TV et téléphone illimité ! Tous les hôteliers ne l’ont pas encore compris et certains réservent encore la connexion Internet gratuite à des packages spéciaux réservés aux clients fidèles. Mais les établissements d’entrée de gamme, curieusement, sont les premières à investir et les bousculent en renonçant à cette rentabilité marginale. La petite chaîne des hotels Akena (1 et 2 étoiles) a ainsi fait du wifi gratuit la norme de ses 25 établissements. La chaîne Ibis (la chaine économique du groupe Accor – 861 hôtels dans 45 pays, dont 378 en France) a annoncé au mois de juin le développement dans tous ses hôtels de l’ «Ibis web corner». Une formule qui, en plus de fonctionnalités communes dans l’hôtellerie (bureautique, internet, enregistrement en ligne), permet aux clients une navigation gratuite sur internet, avec accès illimité à la webcam et utilisation de Skype Messenger, permettant ainsi aux clients de rester en contact permanent avec leur bureau. L’offre est complétée par des accès WiFi Orange gratuits dans les chambres. Face à l’engouement pour le net des voyageurs d’affaires qui constituent une partie de sa clientèle, le groupe hôtelier Best Western a installé des accès WiFi gratuits dans tous ses hôtels dans le monde. Ils sont disponibles dans les chambres, les parties communes et les espaces de réunions.
Les voyageurs d’affaires ont en effet, comme désormais la plupart des consommateurs, pris conscience des coûts. L’enquête publiée à la toute fin du mois d’août par Hotels.com montre qu’au-delà du wifi (que 68 % des Français ne veulent pas payer), c’est toute la gamme des suppléments hôteliers qui est désormais remise en cause : le parking, que 30% des Français souhaiteraient voir inclus dans le prix de la chambre, voire le petit-déjeuner, que 12% d’entre eux trouvent inacceptable de découvrir sur leur note (Enquête conduite auprès de 1815 voyageurs à travers le monde entre le 21 juillet et le 11 août 2010). Les entreprises peuvent s’appuyer sur ce mouvement pour demander aux chaînes avec lesquelles elles négocient de passer, elles aussi, au «tout inclus». Encore faut-il que la promesse commerciale soit suivie sur le plan technique. Dans combien d’hôtels vous promet-on le wifi gratuit, alors que celui-ci n’est reçu effectivement que si vous posez votre PC sur le comptoir de la réception… Passé le premier palier, plus de signal ou une connexion qui se coupe toutes les dix minutes …
Toujours plus de confort
Des prix tout inclus, confort compris : les exigences des voyageurs d’affaires vont désormais au-delà de la chambre propre. Presque tous les hôtels, même en entrée de gamme, sont désormais passés à une amélioration de la qualité de la literie, couette comprise. Le silence est un «must», et les hôtels bruyants sont de plus en plus facilement «dénoncés» par les voyageurs d’affaires auprès de leur Travel Manager ou de leur Acheteur. Le goût pour l’indépendance et le «comme à la maison» a provoqué le développement depuis deux ans d’une nouvelle formule, l’appart hôtel. Les Park & Suites, Citadines, Adagio City Aparthotel et autres Citea notamment permettent, sur différentes gammes, de bénéficier d’un véritable appartement temporaire équipé comme une suite, avec une partie chambre et une autre réception- kitchenette et service hôtelier inclus. Une formule qui séduit de plus en plus les voyageurs d’affaires en quête d’indépendance, qui ont ainsi le sentiment d’un domicile à l’hôtel. Une véritable hôtellerie nouvelle génération.
Et le développement durable dans tout cela ?
Si le lavage des serviettes est devenu un standard de comportement « éco-responsable » dans la plupart des chaînes hôtelières, le développement durable dans son ensemble en est encore au stade du balbutiement dans les réservations hôtellières. Pour permettre de s’y retrouver, des labels ont vu le jour timidement et l’eco-Label Européen semble prendre une longueur d’avance en s’apposant notamment sur de plus en plus d’hôtels de la chaîne Best-Western. Il reste qu’aujourd’hui les Travel Managers ont encore du mal à intégrer cette démarche dans leurs politiques et dans leurs outils, faute d’une connaissance et d’un affichage suffisants. De leur côté les hôteliers soulignent souvent qu’il leur manque également une démarche des clients pour “concrétiser toutes les bonnes intentions et justifier de lourds investissements » disait l’un d’entre eux à l’occasion de la dernière Univ’Airplus. Nous y reviendrons à l’occasion d’un prochain dossier.
Il est souvent difficile pour les TM de baser leur analyse sur un “prix de marché moyen“ car les destinations, les catégories, le type de chambre utilisées pour les voyages d’affaires ne sont pas exactement les mêmes que pour le tourisme. Cela dit, les statistiques issues de l’observation du marché global permettent de ressortir des tendances de fond. En effet, l’investisseur qui construit ou rénove un hôtel fera le calcul de rentabilité aussi bien sur la fréquentation de l’homme d’affaires en semaine que sur les familles s’offrant une escapade le week-end. Le développement des outils en ligne fait d’aillleurs que l’homme d’affaires adopte de plus en plus dans le travail ses réflexes d’achat du privé.
Selon l’enquête HRS publiée le 30 août, le prix des chambres s’est stabilisé en 2010 après la baisse de 2009, à 110 € en moyenne. Les fortes hausses de l’été pour certaines villes sont liées à la saisonnalité et à un effet de rattrapage (forte baisse des prix au 2nd trimestre-Q2).
Principales baisses : Toulouse (-14% après une hausse de +14% sur Q2), Bordeaux (-5,4% mais +12% sur Q2), Paris (-3,5%), Strasbourg (-2,5%).
Principales hausses : Lyon (+8% mais -4,4% sur Q2), Marseille (+8% mais -7,3% sur Q2), Lille (+17% mais -8,6% sur Q2) et Nice (+2% mais -8% sur Q2).
Une analyse confirmée par Hotel.info qui évoque également une relative stabilité des prix des hôtels en France excepté pour Lille, Bordeaux et Strasbourg ainsi qu’une remontée des prix au niveau international pour New York et Rio de Janeiro.
Le prix moyen en juillet 2010 : Nice enregistre des tarifs à la baisse avec 115 € en juillet 2010 contre 130 € en juillet 2009. Paris se place juste derrière avec 123 € en juin et 110 € en juillet. Nantes était en moyenne à 77 € et Marseille à 86 €.
A l’international, c’est à New York que le prix des chambres est le plus élevé, avec des tarifs toujours en-dessous de ceux de 2008 mais déjà nettement supérieurs à ceux de l’année dernière. Un séjour d’une nuit en juin et en juillet s’élevait à environ 194 euros. Londres occupe la seconde place avec 146€ la nuit. Rio de Janeiro fait sensation avec une hausse de plus de 40% à 143 euros/nuit en moyenne, équivalente à New York, Londres, Stockholm ou encore Zurich en raison des nombreux salons organisés en juillet dernier à Rio. A Moscou, le prix moyen d’une chambre s’élève aujourd’hui à 134 € en juillet 2008 contre 234 € en juillet 2008. Même chose pour Bangkok ou les prix sont les moins chers avec une moyenne de 58 € la nuit.