Plus d’une trentaine d’adhérents ont répondu à l’appel pour cette première édition d’un format de rencontre innovant : un dialogue à bâtons rompus entre juniors et seniors de la profession.
Co-responsable de la commission Rencontres, Marjorie Chauty ouvre une séance animée par un duo composé d’une senior et d’une junior.
L’assistance est également proche de la parité puisqu’à la question « qui a moins de deux ans d’expérience en tant que TM ou acheteur ? », on voit une douzaine de mains se lever. Les témoignages qui s’ensuivent permettent de vérifier que les expériences et les formations des TM et acheteurs présents sont hautement diverses. Car si certains, notamment parmi les juniors, ont suivi un cursus menant « logiquement » au travel management, d’autres, notamment parmi les seniors, viennent des horizons les plus divers, que ce soit dans le monde du voyage (agence, hôtellerie, compagnie aérienne, MICE…) ou d’ailleurs.
Pour jalonner le débat, les animatrices avaient choisi de proposer une série de questions et de thèmes. Sélection.
Question 1 : Comment trouver une harmonie entre confort et économie ?
Plusieurs mains se tendent pour réclamer le micro :
Témoin 1 : « Pour mon entreprise, ce sont d’abord les coûts qui l’emportent. Mais c’est le rôle du travel manager de poser cette question : « avez-vous pensé aux gens qui voyagent ? » ».
Témoin 2 : « Nous sommes tous un peu dans cette situation, confrontés à l’injonction permanente à baisser les coûts. Mais il y a un thème qui nous aide un peu à faire passer nos idées, c’est celui de la sécurité. Les entreprises connaissent les risques qu’elles courent en cas de problème pour leur voyageur. Mais elles savent aussi que si un voyageur a tout simplement une mauvaise expérience de voyage, cela peut avoir des conséquences très dommageables. D’un autre côté, il faut bien voir qu’il y a eu une amélioration globale des conditions de voyages, que ce soit dans les avions, les trains, les aéroports et les gares. Aujourd’hui, il est devenu possible de voyager confortablement avec des coûts réduits ».
Témoin 3 : « Nos entreprises, c’est légitime, ont des contraintes de budgets et nous sommes là pour les aider à les respecter. Mais nous sommes là, aussi, pour les avertir. J’étais récemment en mission dans une entreprise où mon interlocutrice ne me parlait que de coûts. Elle me parlait notamment d’un voyageur vers Istanbul, qu’elle avait fait partir par le premier vol low cost du matin (3h du matin) pour qu’il soit là-bas pour sa réunion à 9h et qu’elle avait fait revenir par le dernier vol du soir, toujours en low cost. J’ai dû lui expliquer qu’elle ne mettait pas forcément son voyageur dans les meilleures conditions pour bien représente, défendre les intérêts de son entreprise et que ce qu’elle économisait en hôtels et avions risquait bien de fondre en jours de récup’ »…
D’autres témoignages soulignent également cette nécessité de tenir compte des conditions de voyage du collaborateur. « Optimiser plutôt que réduire » : c’est le mot d’ordre qui ressort en conclusion de ce premier débat.
Question 2 : Comment communiquer avec le voyageur ?
Pour répondre concrètement à cette question, plusieurs participants font la revue des outils et des méthodes utiles pour répondre à cet impératif de communication :
Témoin 1 : site intranet dédié aux déplacements (avec la politique voyages affichée sur la page d’accueil) + mailings ciblés à des listes établies au fil du temps en fonction des statuts (voyageurs à risques, grands voyageurs, valideurs…).
Témoin 2 : mail automatique de l’agence de voyages avec quatre-cinq questions après chaque déplacement, sondage global deux fois par an, campagnes de « sensibilisation et de formation utilisateurs » qui permettent de « redonner un sens à la politique voyages » ou encore webinar « qui peut être plus pratique et sollicite moins de temps pour un retour ».
Témoin 3 : ce sont les assistantes qui sont surtout ciblées car ce sont toujours les premières informées quand le voyageur n’est pas content ! C’est également par le truchement des assistantes que sont envoyés aux voyageurs les questionnaires post-trip, en veillant à ne poser qu’un nombre réduit de questions.
A ce titre, un débat s’engage sur la nécessité de garder la main sur ces outils de communication avec le voyageur. Michel Dieleman prévient : « il faut faire preuve d’une grande pertinence dans la formulation des questions, en vous concentrant sur ce dont vous avez vraiment besoin. Ne laissez pas ce soin à la TMC, qui le fera nécessairement selon ses propres intérêts et ses propres préoccupations ».
Mais si les questionnaires semblent assez largement utilisés pour recueillir l’avis du collaborateur en déplacement, les « réseaux sociaux de voyageurs » ou les « clubs de voyageurs » internes semblent encore peu répandus -sinon mal vus- du côté des entreprises.
Récolter l’avis du voyageur : cette nécessité est apparemment bien comprise côté juniors. Un étudiant de l’ESCAET confirme d’ailleurs qu’il avait été bien averti sur ce point au cours de ses études.
Suite à cette question, un petit groupe de 5/6 personnes s’est constitué afin de bâtir des questions/sondages standards qui seront mis à disposition des adhérents sur le site de l’AFTM.
Question 3 : Quelle relation avec son fournisseur ?
On relève notamment deux témoignages :
Témoin 1 : « Un fournisseur, c’est un partenaire, il faut le considérer comme tel et accepter qu’il ait, lui aussi, des objectifs et des soucis. Mais il faut avoir du répondant… Nos fournisseurs nous reconnaissent et nous respectent d’abord pour notre capacité à maîtriser le domaine. Je peux vous dire qu’après trois ans d’ateliers AFTM, ils ne me parlent plus de la même façon qu’avant… Ils savent qu’on ne me dit plus n’importe quoi ou qu’on ne me survend plus un produit. Ça change tout ! »
Témoin 2 : « Nos partenaires ont besoin d’identifier clairement nos objectifs. Il faut se dire les choses et être professionnel. Et pour affronter la négociation, il est très utile d’avoir une bonne relation dans le couple TM/acheteur. »
Question 4 : quels outils pour l’ordre de mission et les notes de frais ?
Sondage à mains levés : la plupart des participants ont un outil pour l’ordre de mission et un autre pour les notes de frais, très peu travaillent avec un outil end-to-end.
Michel Dieleman donne son opinion sur ce sujet : « si vous voulez maîtriser l’activité, vous devez avoir deux outils qui se parlent, plus du bon sens ! Le souci, c’est que les outils sont souvent très stricts pour les ordres de mission et beaucoup moins pour la gestion des notes de frais ».
Le débat oblique alors vers la gestion des outils, avec cette question : doivent-ils être gérés en propre ou par l’agence de voyages ?
De l’avis quasi-général, c’est la première alternative qui doit prévaloir. Témoignage : « on a délibérément choisi de fragmenter tous les interlocuteurs du secteur « voyages ». Quand l’outil est maîtrisé par l’agence, on ne maîtrise plus le contenu. Il peut très bien y avoir une entente dans votre dos entre l’agence et l’éditeur… ». Un autre adhérent répond « que la solution soit achetée directement chez l’éditeur ou via la TMC, si le TM ne connait pas l’outil, son paramétrage, les objectifs de l’entreprise, le contenu final risque de ne pas correspondre aux attentes. »
Au cours du débat, Serge Bacchus a posé cette question aux juniors : « qu’est-ce que vous trouvez ringard aujourd’hui dans la gestion des voyages au sein de votre entreprise ? ».
Une junior, travaillant dans le secteur de la défense, relève la grande difficulté à faire évoluer les outils, les impératifs de sécurité des données obligeant bien souvent à travailler avec d’anciennes versions mieux maîtrisées.
Un autre junior relève également la méfiance des entreprises vis-à-vis des applis mobiles qui facilitent pourtant la vie du voyageur. Mais cet avis n’est pas partagé par tous les juniors et l’un d’eux prend la parole pour défendre la prudence en matière d’applis autorisées -pour cause de sécurité des données- de même que la méfiance vis-à-vis des logements « alternatifs » type Airbnb -pour cause de sécurité des personnes-.
La preuve que sur ces thèmes, comme sur bien d’autres, les antagonismes ne relèvent pas seulement du conflit de générations…