Les webinars de l’AFTM continuent de jouer (presque) à guichets fermés. Plus de 220 participants s’étaient encore donnés rendez-vous le 1er juillet dernier pour aborder la reprise du transport aérien. Quatre intervenants ont répondu aux questions de l’animateur François-Xavier Izenic et des internautes : Patricia Morosini, directrice du voyage d’affaires chez Selectour, Marc Houalla, directeur général adjoint de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, Manuel Flahaut, directeur des ventes corporate d’Air France, et Samy Gammar, responsable des achats indirects chez Bouygues Construction et membre de la commission développement de l’AFTM.
Quelle reprise des déplacements professionnels ?
Chez Bouygues construction (25 millions d’euros de budget aérien), la reprise est très progressive. Selon Samy Gammar, elle concerne avant tout « le domestique où les collaborateurs peuvent se déplacer sans autorisation de la direction sûreté. En revanche sur l’intercontinental, la reprise est très faible en raison des frontières fermées et des mesures de quarantaine ». Et de prédire : « Globalement pour Bouygues Construction, il faut s’attendre à un recul de 30 à 50% des dépenses aériennes au deuxième semestre par rapport à la même période en 2019. Et il ne faut pas se leurrer, les outils de visioconférence vont réduire les déplacements ».
Des propos confirmés par Patricia Morosini : « On ne peut pas parler de réelle reprise, juste d’une montée ne charge progressive ». Et d’expliquer : « l’accès aux pays européens reste incertain, il règne une confusion liée aux restrictions de déplacement révisables à tout moment, aux tests préalables demandés aux voyageurs, sans compter les quarantaines ».
Quelle reprise du trafic aérien ?
Après avoir opéré 3% de son programme habituel de vols en avril, Air France a remis de la capacité à partir de juin mais la demande est très poussive. « La dernière semaine de juin, on a transporté 25 000 passagers par jour en moyenne contre 150 000 habituellement, révèle Manuel Flahaut. On opère entre 16 et 20% de notre programme habituel et les taux de remplissage sont à 57% en moyenne, soit 30 points de moins que d’habitude au mois de juin. En termes de sièges commercialisables, on tournera autour de 35% des capacités habituelles en juillet et 40% en août ». Il conclut : « la clientèle affaires va mettre plus longtemps à reprendre que la clientèle loisirs ».
Constat identique chez ADP selon Marc Houalla : « à Roissy, nous traitons 30 000 passagers par jour contre 250 000 habituellement à cette période, soit 12% du trafic normal. Le trafic de CDG est tiré essentiellement par le domestique. On est très déçu du trafic Schengen et UE, on pensait qu’après le 15 juin il y aurait une vraie reprise mais force est de constater que le trafic est de seulement 10% de l’habituel. Quant à Orly, on est à 7 à 8 000 passagers par jour, soit 8% du trafic habituel ».
Quid de la rentrée de septembre ? « Sur le domestique, on devrait avoir à la fin de l’été 80% de ce qu’on faisait l’année dernière, 40 à 50% pour le trafic Schengen et UE, quant au grand international, c’est vraiment la boule de cristal ».
Marc Houalla ajoute que les annulations de vols leur posent de sérieux problèmes de gestion : « quand on ausculte nos bases de données, on se rend compte que 40 à 50% des vols ont été annulés au dernier moment ». Un casse-tête également pointé par Patricia Morosini qui, en creux, déplore la non mise à jour systématique des vols dans les systèmes de réservations.
Quels protocoles sanitaires ?
Air France a mis en place un certain nombre de mesures sanitaires : masque obligatoire à l’aéroport et en vol, flux visant à éviter les croisements, embarquement cadencé, service de restauration simplifié (les vols court-courriers en sont désormais privés), et un contrôle systématique de température. Avec une règle de base : un passager qui aurait 38 ou plus se voit refuser l’embarquement et proposer des conditions de report. Manuel Flahaut précise que « cette mesure va être progressivement arrêtée sur le court-courrier et pour les vols de l’espace Schengen, en revanche on compte bien le garder pour les vols long-courriers ».
Dans les Aéroports de Roissy et Orly, le contrôle de température ne se fait pas à l’embarquement mais à l’arrivée via des caméras thermiques. « Si détection d’une température égale ou supérieure à 38, précise Marc Houalla, le passager a la possibilité d’aller se faire tester dans notre centre médical d’urgence. On a eu 17 cas de température avérée, 3 personnes sont allées faire le test du Covid, toutes trois négatives ». Et de conclure : « l’avenir des aéroports, ce sera le sans contact ».
Quel temps d’attente ?
« Les temps unitaires de traitement à l’embarquement ont été multipliés par deux, comptabilise Marc Houalla, ceux concernant les contrôles de sûreté ont augmenté de 50%. Quant au temps unitaire à l’enregistrement, il dépend de chaque compagnie aérienne. Lorsque nous aurons retrouvé un trafic à peu près normal, il faudra prendre garde d’arriver à l’aéroport suffisamment à l’avance ».
Pour Samy Gammar, « ce temps d’attente sera pris sur le temps du collaborateur et non sur le temps de l’entreprise. Mais les voyageurs continueront à voyager en dépit de cet inconvénient ».
A quel prix ?
Pour Manuel Flahaut, « la demande ne suit pas malgré la hausse de capacité, donc les prix baissent, une tendance qui devrait se confirmer à court terme. A moyen terme, je ne vois pas le marché absorber des hausses tarifaires car la clientèle corporate sera forcément impactée par la crise économique qui va suivre ».
La bonne nouvelle est qu’Air France et Amadeus ont fini en dernière minute par trouver un accord afin que les réservations effectuées sur Amadeus via une TMC ne soient pas surchargées de 12 euros. On en saura plus le 10 juillet à ce propos.
Quid des avoirs et des remboursements ?
Ce fut le sujet polémique du confinement. La situation tend à s’améliorer. « Chez Air France, explique Manuel Flahaut, on propose désormais trois possibilités en cas d’annulation : un report sans frais, un remboursement du billet que qu’il soit, ou un avoir majoré jusqu’à 15% du prix du billet initial ».
Concernant les conditions commerciales, « en cas de report volontaire, il n’y a pas de réajustement tarifaire jusqu’à la fin novembre, même si la classe d’origine n’est plus disponible. Ce qui sera le cas après ».
Pour Samy Gammar, « les remboursements ne se passent pas trop mal mais notre priorité est avant tout désormais la reprise des voyages ».
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM