IATA vient d’annoncer qu’elle s’engage à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Possible ou pas ?
Willie Walsh, ancien patron de British Airways et actuel président de IATA, est un habitué des annonces tonitruantes. Fidèle à sa réputation, il a fait adopter aux 290 compagnies aériennes membres de l’association un objectif de zéro émission nette de CO2 d’ici 2050. « Un pari fou », dit La Tribune, alors que l’objectif initial de diminuer les émissions du secteur par deux d’ici à 2050 par rapport à 2005 était déjà extrêmement ambitieux.
Un pari d’autant plus fou qu’il s’appuiera très peu, et c’est la vraie surprise de cette annonce, sur les avions décarbonés que promettent Airbus et Boeing. Alors comment y parvenir ? Principalement grâce aux carburants aériens durables (SAF) qui représenteront 65% (!) de l’effort de décarbonation. Les systèmes de compensation et de capture du CO2 compteront pour 19%, l’amélioration des infrastructures et des opérations pour 3%. Les fameux avions verts (électriques ou à hydrogène) ne contribueront à cet objectif qu’à hauteur de 13%.
Dominique Seux, directeur délégué de la rédaction des Echos, peut difficilement être taxé de dangereux gauchiste ou d’écologiste radical. Dans son édito économique quotidien sur France Inter du 11 octobre, il doute néanmoins de la faisabilité d’un tel objectif et pose les bonnes questions.
Concernant les SAF, Dominique Seux se demande comment passer d’une production de 100 millions de litres par an aujourd’hui (soit moins de 1% de la consommation du transport aérien) à 90 milliards en 2035 et… 449 milliards en 2050 ? Avec quel impact sur l’agriculture et l’industrie ? « Mystère et boule de gomme », finit-il par répondre.
Sur la compensation et la reforestation, il dit sa perplexité : « un arbre met longtemps pour grandir et absorber le CO2 ». Enfin, il appuie là où ça fait mal : « le monde du transport aérien pense qu’il n’y aura aucune conséquence de l’enjeu climatique sur le trafic aérien, qui passera selon lui de 4,5 à 10 milliards de passagers d’ici 30 ans. Cela ressemble vaguement à l’histoire de l’homme qui saute du 50e étage d’un immeuble et dit au 20e : jusqu’ici tout va bien ».
On pourrait ajouter une autre incertitude : IATA a évalué le coût du zéro émission nette à… 2000 milliards de US$ sur les trente prochaines années ! Un effort absolument gigantesque, surtout après le choc énorme que vient de subir le transport aérien avec le Covid. Qui va payer ?
La critique est aisée, l’art est difficile, mais IATA devrait prendre garde à ne pas trop teinter de marketing ses annonces en matière de lutte contre le réchauffement climatique car le retour de bâton sera sévère. En attendant, les initiatives pour un transport aérien plus vert se multiplient, les ingénieurs sont à l’œuvre, les compagnies aériennes aussi, et les entreprises prennent de plus en plus conscience de l’urgence pour leurs déplacements professionnels. Et ça, c’est très positif.
Greg Foran, directeur général d’Air New Zealand, insiste d’ailleurs sur l’implication de toutes les parties prenantes : « Si nous voulons parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, tout le monde doit jouer son rôle. Il n’y a pas que les compagnies aériennes. Il y aura les fournisseurs de carburant, les gouvernements, et en fin de compte les clients devront eux aussi y adhérer ».
Pour finir, on ne saurait trop recommander la prise en main du dernier numéro de National Geographic avec le très bon article (en français) du journaliste américain Sam Howe Verhovek qui remet en perspective les enjeux des SAF, de l’avion électrique et à hydrogène… Bonne lecture !
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM