Après les licenciements et les démissions, le manque de personnel pourrait pénaliser les TMC dans l’accompagnement de la reprise.
C’est LE sujet qui a animé début octobre les allées du Business Travel Show de Londres, le salon du voyage d’affaires organisé par BTN Group, l’éditeur de Business Travel News. « Alors que les entreprises sortent enfin de leur hibernation post-Covid pour recommencer à voyager, il n’y a pas assez de personnel dans les agences de voyages pour répondre à leurs besoins », constate l’excellent Amon Cohen.
Les témoignages des travel managers interrogés par le journaliste sont édifiants. « Les retards dans les appels téléphoniques et les réponses aux courriels sont un vrai problème depuis que les voyages ont repris début septembre » dit l’un. « Il n’est pas rare que nos voyageurs doivent attendre jusqu’à 40 minutes pour parler à quelqu’un » s’agace un autre. « Notre équipe dédiée a disparu » révèle un troisième.
Un phénomène qui ne concerne pas seulement les agents de réservation. « Mon account manager a quitté le secteur après avoir été mis au chômage technique » confie Mary qui ajoute, irritée par le manque de concertation : « la nouvelle est très junior et j’aurais préféré quelqu’un de plus expérimenté ».
C’est d’autant plus préjudiciable qu’organiser un voyage reste très compliqué compte tenu des contraintes sanitaires. Un travel manager rapporte ainsi que le nombre moyen d’appel que ses voyageurs passent à leur TMC pour réserver un déplacement est passé de 3 avant la pandémie à 14 aujourd’hui. Selon la Business Travel Association, qui regroupe les TMC britanniques, le nombre moyen d’appels par réservation est aujourd’hui de 14 à 20 !
S’il se pose avec plus d’acuité alors que sonne l’heure de la reprise, le problème n’est pas nouveau et avait contrarié nombre de travel managers au plus fort de la pandémie. Il faut dire que les TMC, très durement touchées par l’absence de revenus, ont rapidement taillé dans le vif de leurs effectifs.
Dans un article très intéressant sur la transformation des grandes TMC, le site Skift dresse une liste instructive. Amex GBT est passé de 17000 employés avant la pandémie à 14000 aujourd’hui. Dès avril 2020, Flight Centre Travel Group, qui comprend les marques FCM et Corporate Traveller, a réduit ses effectifs de 6000 personnes. BCD Travel a licencié 3000 de ses 14900 salariés en octobre 2020. Quant à CWT, elle est passée de 17000 à 12000 collaborateurs. Même TripActions avait licencié 300 de ses employés du jour au lendemain, soit 25% de ses effectifs !
Pas étonnant, dans ces conditions, que 28% des acheteurs aient changé de TMC au cours des 12 derniers mois selon un sondage réalisé par le Business Travel Show auprès de 313 travel managers européens, et que 36% prévoient de le faire d’ici l’été prochain. En effet, 52% de ceux qui ont sauté le pas ont expliqué l’avoir fait car leur TMC ne leur avait pas apporté un soutien suffisant pendant la pandémie. Cité par Skift, Scott Davies, le Pdg de ITM (Institute of Travel Management), explique : « Chaque année, entre un quart et un tiers des entreprises lancent des appels d’offres pour changer de TMC, c’est normal. Sauf qu’aujourd’hui, elles cherchent à changer réellement et pas seulement à tester le marché ou faire du benchmarking ! »
Qu’en est-il spécifiquement en France ? Difficile à dire d’autant que les entreprises ont pu profiter du « quoiqu’il en coûte » de l’Etat. Selon des chiffres non officiels, les agences de voyages (loisirs et affaires confondus) auraient néanmoins perdu 25 à 30% de leurs effectifs et, au 15 septembre dernier, 70% des salariés étaient toujours en chômage partiel ou en APLD selon le syndicat patronal des Entreprises du Voyages (cela a dû évoluer depuis). Des patrons d’agences rencontrés dans les allées du dernier salon IFTM à Paris témoignaient que le recrutement de talents pour accompagner la reprise est l’une de leurs préoccupations majeures. D’autant moins simple quand on n’a aucune visibilité sur les volumes à venir.
« Quand cette tempête va-t-elle se calmer ? » se demande Amon Cohen en conclusion de son article. « Le consensus est que le problème finira par se résorber, mais dans plusieurs mois et non plusieurs semaines ». D’ici là, selon un travel manager, « les clients devront faire preuve de patience plutôt que demander des pénalités pour le non-respect des SLA (Service Level Agreement) ». Et d’ajouter avec indulgence : « On est conscient de la situation dans laquelle les TMC se trouvent. Si chaque entreprise commençait à vouloir faire respecter son SLA, les TMC en souffriraient encore plus ». Un peu de douceur dans ce monde de brutes…
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM