Pay As You Fly : une révolution ?
Payer le billet d’avion au moment de l’enregistrement et non à la réservation : les travel managers en ont rêvé, Lufthansa l’a fait. Oui mais…
Coup de tonnerre dans le transport aérien ! Cité par Business Travel News Europe (Lire ici), Christoph Carnier, président du VDR, l’équivalent allemand de l’AFTM, se félicite : « Nous nous réjouissons que Lufthansa ait été réceptive à nos propositions (…) et qu’elle adopte désormais une position pionnière sur cette question ».
C’est une revendication déjà ancienne du VDR mais que la pandémie a intensifié : abandonner le modèle de crédit actuel, dans lequel les entreprises et les voyageurs supportent le risque, au profit d’un modèle de paiement au moment de l’enregistrement.
Avec la Covid-19, ce modèle de crédit a montré ses limites comme l’explique Inge Pirner, la vice-présidente de VDR, dans un autre article de BTN Europe(Lire ici) : « Si un grand nombre d’annulation se produit en raison d’une crise, les compagnies aériennes ne sont pas en mesure de rembourser l’argent dû aux clients. Cette pratique devient alors l’accélérateur de la crise ». Et survient le scandale des billets non volés et non remboursés dans lequel ont été empêtrés l’année dernière les TMC et leurs clients.
En réalité, le Pay As You Fly (PAYF) existe depuis 1997, avec Siemens comme client pilote, mais n’était disponible que pour les entreprises dépassant un certain volume. Désormais, aucun volume d’achat minimum n’est requis et le tarif est valable sur l’ensemble des vols intérieurs et intra-communautaires de Lufthansa et de ses autres compagnies, Austrian Airlines, Brussels Airlines et Swiss. Un sacré changement !
Pour l’entreprise, c’est tout bénéfice : le risque est minimisé, le flux de trésorerie optimisé et les problèmes liés aux remboursements disparaissent. Combien ça coûte ? A ce jour, PAYF n’est appliqué qu’aux classes tarifaires supérieures. Interrogé par BTN Europe, Alexander Albert, directeur général de BCD Travel Germany, avance « qu’un tarif PAYF est généralement le double ou le triple du tarif le plus bas de Lufthansa en Economy Light, légèrement supérieur à Economy Comfort mais inférieur au tarif Economy Flex ».
Seulement il y a un hic. Lufthansa affirme qu’elle continuera à faire du PAYF l’exception plutôt que la règle car cette pratique rend la planification des vols très complexe. « Or, voler avec des avions à moitié vides n’aurait aucun sens économique ni écologique ». Une objection que balaie le consultant allemand, Jörg Martin, car rien n’empêche selon lui que le PAYF soit assorti de restrictions, telles des pénalités au cas où le voyageur ne se présente pas à l’embarquement qui seraient débitées automatiquement sur le compte de l’entreprise.
Guillaume Bizet, d’Areka Consulting, est plus circonspect. Pour lui, la complexité des remboursements dissuade en partie les voyageurs d’annuler leurs vols. En inversant la procédure (pénalités et non pas remboursement), « PAYF pourrait entraîner davantage d’annulations, ce qui serait problématique pour les compagnies aériennes, c’est pourquoi elles ne vont certainement pas étendre cela à tous les types de tarifs ».
Les autres compagnies aériennes vont-elles suivre ? Dominic Short, président de l’association suisse du travel management, est convaincu que PAYF donne un avantage concurrentiel à Lufthansa : « Vous serez un partenaire plus attrayant qu’une compagnie qui veut garder les choses en l’état ».
Christoph Carnier, le président de VDR, espère en tous cas sa généralisation et s’attend à l’émergence d’un écart croissant des prix avec, comme sur le marché hôtelier, des remises pour le paiement au moment de la réservation et un surcoût pour un règlement au moment où le vol décolle. « En tant que client, je peux décider de payer un peu plus cher, mais je suis en sécurité et je ne serai facturé que si je reçois réellement mes marchandises » explique-t-il.
Pour sa vice-présidente, Inge Pirner, la Covid est un moment idéal pour « développer un modèle commercial d’avenir, équitable pour les clients et les agents de voyage, et à l’épreuve des crises ». Voyage d’affaires, the great reset* ?
*The Great Reset (La grande réinitialisation) est le titre du livre sorti en juin 2020 par Klaus Schwab, fondateur du Forum de Davos, et Thierry Malleret, ancien directeur de ce même Forum.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM