Cartes virtuelles, règlementation, nouveaux entrants : l’univers des paiements dans le voyage d’affaires connait une effervescence inédite.
C’est un signe. Lors du dernier Business Travel Show qui s’est tenu à Londres, il a été demandé à un panel de travel managers de comptes multinationaux quel était leur plus grand défi du moment. Tous ont répondu sans exception la gestion des paiements, comme le relate le média Business Travel News Europe dans son dernier supplément consacré entièrement au sujet.
« C’est une catégorie qui fait l’objet de davantage d’attentions pour diverses raisons », confirme Ben Park, directeur des achats et des voyages chez Parexel, un sous-traitant pharmaceutique américain présent en France et au Royaume-Uni notamment. « La nouvelle directive européenne DSP2 nous oblige à revoir nos programmes de paiement d’entreprise ; par ailleurs les paiements virtuels deviennent plus sophistiqués ; enfin, l’accent est mis sur la consolidation des volumes auprès d’un seul fournisseur afin de faire des économies ».
L’un des grands changements concerne en effet la règlementation, la DSP2 ayant introduit l’authentification forte (double sécurité) lors des paiements en ligne, en vigueur en France depuis le 15 mai 2021. « La règlementation a rendu les paiements plus compliqués, tant du côté des acheteurs que des fournisseurs », assure Kerry Douglas, de l’Institute of Travel Management (l’équivalent britannique de l’AFTM).
« C’est simple, dit Clive Cornelius, responsable du segment voyage pour Visa Europe, certains des processus que vous avez pu mettre en place pendant des années ne fonctionnent tout simplement plus aujourd’hui, par exemple votre façon de réserver sur les sites des compagnies low cost ».
La nouvelle génération de cartes virtuelles est une autre grande nouveauté de l’univers des paiements. Elles devraient notamment réduire sinon éliminer la crainte des travel managers de voir les règlements de leurs voyageurs refusés à la réception des hôtels ou ailleurs. En effet, les cartes virtuelles de première génération n’étaient pas entièrement numérisées, provoquant bien des désagréments. Lors de la dernière convention annuelle de la GBTA en août dernier, une acheteuse résumait ainsi la situation : «Quand ça marche c’est la plus belle des choses, quand ce n’est pas le cas, c’est un véritable désastre».
L’avantage supplémentaire de ces cartes virtuelles est qu’elles sont en train de devenir véritablement mobiles et peuvent être stockées dans un portefeuille mobile comme Apple Pay. Voilà qui pourrait faire enfin décoller l’adoption du mobile par les entreprises qui reste faible, quoiqu’en disent les opérateurs. Alors que tous les adolescents sortent leur téléphone portable pour payer leur boisson gazeuse dans le magasin du coin, il est encore rare que les voyageurs d’affaires aient leur carte affaires en plastique numérisée dans leur téléphone, et encore plus rare qu’ils aient une carte virtuelle.
Autant d’atouts qui incitent Patrick Diemer, ancien patron d’AirPlus international aujourd’hui conseiller principal chez Arthur D. Little, à parier sur un développement rapide des cartes virtuelles : « Non seulement elles sont plus sûres qu’une carte de crédit, car vous ne pouvez les utiliser qu’une fois, mais en plus elles offrent une meilleure capacité de réconciliation des dépenses ».
Dernière tendance et non la moindre : l’introduction sur le marché de produits de paiement par les fournisseurs de voyages afin de concurrencer ceux offerts directement par les institutions financières. Ainsi TripActions avec sa brique de paiement Liquid, HRS qui a acquis la société Paypense, Sabre qui a racheté Conferma Pay ou encore tout récemment Amadeus qui a annoncé le lancement prochain d’Outpayce, une carte virtuelle prépayée.
La raison d’une telle frénésie ? Ces offres visent principalement les PME-PMI qui ne disposent pas en interne des ressources suffisantes et qui cherchent de plus en plus des solutions intégrées, de bout en bout, pour leurs programmes voyages. Et ces fournisseurs de voyages qui entrent sur ce marché «considèrent désormais que le paiement est aussi important que la réservation » selon Clive Cornelius.
Paradoxalement, le marché des solutions de paiement, s’il s’élargit côté prestataires de voyages, il semblerait se rétrécir côté institutions financières. Patrick Diemer explique ainsi que la volatilité du marché des voyages, criante au moment du Covid, a effrayé certaines banques qui ont abandonné ce segment de clients. Il y aurait donc moins d’émetteurs de cartes aujourd’hui, les uns se concentrant sur les grandes entreprises, les autres sur les PME, délaissant ainsi un marché intermédiaire qui se retrouve un peu orphelin.
Nous avions déjà abordé dans l’œil de l’AFTM cette tendance lourde à l’intégration des paiements dans le voyage d’affaires (ou l’inverse, tout dépend du point de vue !), elle semble bien se confirmer mois après mois.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM