Les travel managers comme… les standardistes ?
Le métier de travel manager n’en finit pas d’évoluer sous la pression de la crise épidémique.
La comparaison est osée et pas forcément très heureuse. S’exprimant à l’occasion d’une conférence sur le transport aérien, Mike Molloy, directeur mondial des achats voyages pour Rio Tinto (groupe minier anglo-australien), a déclaré que les travel managers connaîtraient le même sort que les standardistes (Lire ici). « Après la seconde guerre mondiale, l’une des grandes industries était celle des télécommunications et l’un des plus gros employeurs du monde était AT&T qui employait 350 000 standardistes. Ils déplaçaient une prise d’un trou à l’autre et vous aviez alors une connexion. Je ne dis pas que les voyages d’affaires vont dans le sens du standard téléphonique mais la technologie sera un catalyseur. Elle permettra aux voyageurs d’en faire plus, de le faire plus facilement et en toute sécurité ».
Et d’ajouter : « d’ici 2030, plus de 50% des travel managers auront abandonné leurs fonctions pour faire autre chose, tout comme les standardistes avaient trouvé de nouvelles carrières. La gestion des voyages deviendra plus stratégique mais il y aura un recours croissant à des consultants professionnels qui pourront conseiller les entreprises sur leurs besoins en matière de voyages d’affaires ».
La dimension stratégique de la fonction du travel manager semble en effet s’affirmer avec le Covid. Sur le site américain de référence The Company Dime (Lire ici), Jeff Kurn, gestionnaire mondial des voyages chez Anaplan, une entreprise de logiciels, témoigne : « les gestionnaires de voyages se sont historiquement concentrés sur le transactionnel, or aujourd’hui nos cadres dirigeants attendent que nous ayons une vision stratégique basée notamment sur le concept de retour sur investissement des déplacements professionnels ».
Sheila Kittle, global travel manager pour Jabil, une multinationale qui fabrique des circuits électroniques, confirme : « désormais, je suis invité à participer aux réunions avec les cadres dirigeants, je parle de duty of care, de la nécessité de réserver via les outils de l’entreprise, et je suis écouté, je n’ai jamais eu autant de visibilité en 33 ans de carrière ».
Shelby LeMaire, global travel manager pour iRobot, est catégorique : « il y a une prise de conscience que les voyages ont une corrélation directe avec la continuité des activités de l’entreprise et cela s’est fait sentir de manière assez importante au sein de iRobot. Je communique désormais avec l’ensemble des directeurs généraux de chacun des pays afin de nous assurer que nous sommes tous interconnectés, alignés et préparés ».
Tout n’est pas rose pour autant. Un sondage réalisé par l’Institut du Travel Management (association qui rassemble acheteurs et fournisseurs en Grande-Bretagne et en Irlande) auprès de 144 acheteurs de voyages montre ainsi que près de 50% d’entre eux se sentent soumis à une pression accrue pour justifier la fonction voyage au sein de leur entreprise (Lire ici). Mais la même enquête affirme que 49% d’entre eux s’attendent à une augmentation de l’engagement des cadres dirigeants en 2021. Et de conclure qu’il y a aujourd’hui une « opportunité pour les travel managers de gagner en visibilité et en valeur en travaillant davantage l’engagement des services internes ».
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM