La consolidation des TMC pourrait se faire au détriment des agences de voyages de taille moyenne.
Les TMC moyennes vont-elles faire les frais du mouvement de concentration actuellement à l’œuvre ? C’est l’hypothèse soulevée par Business Travel News dans un excellent article paru le 18 mai dernier.
Le journaliste Adam Perrotta part du postulat que la consolidation des TMC n’est pas nouvelle en soi, dans un marché depuis longtemps fragmenté. Ce qui est inédit en revanche, c’est la double pression exercée à la fois par le Covid qui étrangle les revenus de nombreuses TMC et par la demande des entreprises qui nécessite de lourds investissements dans les plateformes et la technologie. Or, de nombreux patrons de ces TMC moyennes, souvent proches de la retraite, ne sont pas prêts à s’engager dans de tels investissements.
Bob Sweeney, Pdg d’Innovative Travel Acquisitions, qui a servi d’entremetteur à de nombreuses opérations de rachat de TMC, prévoit « beaucoup de transactions au cours des deux ou trois prochaines années ». Et il prévient : « Pour aller de l’avant dans le nouveau monde, il faut être soit minuscule, soit énorme. Je ne pense pas que vous puissiez être entre les deux ». Le segment intermédiaire ayant désormais des exigences proches des grands comptes, « le milieu de gamme est en train de disparaître sous nos yeux », affirme Bob Sweeney.
Pour satisfaire cette nouvelle demande, l’avenir des TMC passe par la désintermédiation des outils de réservation en ligne tiers (les OBT ou SBT) au profit de la réservation via leurs propres canaux, en particulier leurs applications mobiles, selon Will Tate, consultant chez Goldspring qui ajoute même : « c’est une priorité essentielle pour les TMC à court terme ». Et d’expliquer que cela leur permettra d’éviter de payer des frais de réservation à des OBT tiers tout en offrant un meilleur contrôle sur l’expérience de réservation de leurs clients.
« Une mauvaise expérience avec un OBT est souvent attribuée, à tort, à la TMC, poursuit Will Tate, et les TMC ont cédé le contrôle de la clientèle et la gestion des coûts aux OBT sans pouvoir vraiment influer sur l’un ou l’autre ». La réservation à partir de leur propre canal et application mobile éliminerait tous ces inconvénients tout en créant pour les TMC « une source de revenus supplémentaire afin de compenser la baisse des revenus fournisseurs provoquée par la pandémie ». CQFD. Quelles sont les TMC moyennes capables de faire de tels investissements ? Rappelons à toutes fins utiles que les rachats d’Egencia par Amex GBT puis de Reed & Mackay par TripActions concernaient des acteurs dotés tous les quatre de leurs propres outils de réservations.
A l’aune de ces éléments se pose la question de l’avenir des TMC françaises moyennes. Solidement ancrées le plus souvent en région, elles ne sont pas si nombreuses. On les retrouve en général au sein des réseaux Selectour, Manor et Tourcom. Dans quel état financier vont-elles sortir de cette crise ? Sont-elles aujourd’hui des proies pour d’éventuels prédateurs ? Difficile à évaluer mais il ne faut pas les enterrer trop vite : comme toutes les PME, elles ont sans doute profité de l’extrême générosité de l’Etat. Selon l’analyse du bilan financier des PME réalisé par l’Ordre des experts-comptables reprise par Les Echos, non seulement la situation financière des PME est aujourd’hui « beaucoup moins catastrophique que prévu » mais leur bénéfice a même augmenté de 2% en 2020 par rapport à 2019 alors que leur chiffre d’affaires chutait de 6,6%. La raison : des aides d’Etat qui ont « parfois compensé au-delà de la perte, d’autant plus qu’elles ne sont pas imposables ». Les chiffres les plus étonnants : les restaurateurs ont vu en 2020 leur chiffre d’affaires chuter de près de 34% pour un résultat net moyen… en hausse de 6,6% ! L’exception française, toujours. On dit merci qui ?
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM