La pénurie de personnel chez les fournisseurs dégrade le service. Le sujet est d’autant plus sensible que le prix des voyages d’affaires s’envole.
Pour l’instant, les travel managers et les acheteurs font preuve de compréhension. Mais l’effet ciseaux, redoutable, pourrait rapidement entamer leur patience car la baisse de la qualité du service se double d’une flambée inédite des prix.
A l’arrêt ou quasiment pendant deux ans, de nombreux fournisseurs ont licencié ou perdu du personnel et se retrouvent en sous-effectif alors que la reprise des déplacements professionnels accélère. Et quand ils arrivent par bonheur à recruter, c’est du personnel souvent junior, inexpérimenté et non formé. Inévitablement, la qualité du service en pâtit.
Dans les TMC américaines, la situation est très tendue raconte The Company Dime. Les histoires s’accumulent sur des temps d’attente interminables ou sur des agents de voyages ne répondant jamais aux appels ou aux courriels. Des travel managers chevronnés décrivent « une situation sans précédent ».
Une certaine indulgence semble toutefois l’emporter encore. Sheila Kittle, directrice mondiale des voyages chez Jabil, un fabricant américain de circuits électroniques de 200 000 salariés, est plutôt magnanime : « Notre volume de réservations a augmenté de plus de 300% d’une année sur l’autre, il est difficile pour toute TMC d’y faire face rapidement, elles font du mieux qu’elles peuvent ». Sa solution ? « Adapter notre programme voyages et l’état d’esprit de nos voyageurs. Je ne veux pas dire diminuer leurs attentes mais leur donner des attentes réalistes ».
Pour Andrew Menkes, un consultant américain, la situation va mettre du temps à se normaliser : « Les TMC auront du mal dans les mois à venir à respecter un accord de niveau de service lié notamment à la réactivité et à la rapidité ». En France, certains travel managers témoignent aussi d’une certaine tension mais avec toutefois moins d’acuité et les TMC sont aussi nombreuses à reconnaître des vraies difficultés à recruter.
Mais c’est dans l’hôtellerie-restauration que la situation est sans doute la plus critique. « La pénurie de main d’œuvre pénalise doublement le secteur, écrit la journaliste Mathilde Visseyrias dans son article paru dans Le Figaro le 29 mai. D’abord, elle nuit à la qualité de service : les clients sont de plus en plus souvent déçus, l’attente trop longue avant même de pouvoir commander et le service hésitant. Ensuite, elle oblige les professionnels à limiter l’activité. Des hôtels ferment des étages entiers, proposent un service dégradé ».
Aux Etats-Unis, Christopher Nassetta, le Pdg de Hilton, cité dans The Company Dime, affirme que la situation s’améliore mais il prévient : « Nous devons restaurer davantage de services car sinon nous allons compromettre notre capacité à continuer d’augmenter les tarifs ». De leur côté, les entreprises veulent davantage de garanties. La compagnie pétrolière Chevron a entamé des discussions préliminaires sur les tarifs pour 2023 et les niveaux de services sont plus que jamais un point de discussion. Plus largement, selon The Company Dime, les entreprises américaines souhaitent garantir contractuellement la meilleure expérience possible pour leurs voyageurs.
Pas forcément une bonne idée pour Donna Brokowski, vice-présidente de la TMC Direct Travel, pour qui la mesure du service reste un exercice complexe et aléatoire. En revanche, elle défend l’idée que le sourcing continu des hôtels et l’abandon des appels d’offres trop rigides permettent de pallier les défaillances du service : « Grâce aux commentaires de vos voyageurs, à condition bien sûr de les recueillir, vous pouvez rapidement et de façon souple délaisser un hôtel au profit d’un autre établissement ».
Autre gros point de friction pour les voyageurs : le transport aérien. Dans de nombreux aéroports du monde entier, c’est la pagaille, faute encore de personnel suffisant, et la haute saison touristique qui approche va empirer la situation. Aux Etats-Unis, l’indice de satisfaction des voyageurs à l’égard du transport aérien, mesurée par J.D Power, a brutalement chuté en raison de l’attente aux aéroports et de l’envolée des prix des billets.
Qualité de service défaillante et hausse des prix ne font pas bon ménage. Travel managers et acheteurs vont devoir porter une attention très particulière sur ces sujets à l’heure où le bien-être de leurs voyageurs est une priorité.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM