La modération des tarifs aériens dépend en partie de la réussite de cet outil surtout utilisé par les compagnies européennes.
Face à la flambée des prix du pétrole, toutes les compagnies aériennes ne sont pas logées à la même enseigne. En Europe, la plupart d’entre elles se prémunissent contre les risques liés aux fluctuations des tarifs du carburant grâce à un mécanisme de « couvertures ». En clair, elles achètent une partie de leur besoin en carburant un à deux ans à l’avance à un prix fixe qui ne bouge pas.
Par exemple, Air France aurait « couvert » 62% de son volume annuel de kérosène sur 2022 (comme Lufthansa et IAG) à un prix oscillant entre 85 et 90 dollars selon les chiffres de La Tribune. Ce qui signifie qu’elle devra payer le reliquat, soit 38%, au prix du marché. Or, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le baril de Brent a dépassé allègrement les 100 dollars avec une pointe à 130 dollars le 8 mars, soit le double de son cours du 1er décembre dernier. Sans compter l’impact négatif de la baisse de l’euro face au billet vert.
Pour amortir cette facture, qui plombe ses coûts, la compagnie française a décidé le 17 mars d’augmenter ses tarifs sur les vols long-courriers. Transparence minimum sur cette hausse, un porte-parole de la compagnie a tout juste évoqué une augmentation de 40 euros pour un vol Paris-La Havane.
Pourquoi une augmentation seulement sur le long-courrier ? Car le poste kérosène y pèse plus lourd. « Le coût du carburant représente 35 à 45 % du prix d’un billet pour un vol long-courrier, et 25 à 35 % pour un moyen et court-courrier », rappelle au Figaro Didier Bréchemier, senior partner au cabinet Roland Berger.
Pour sa part, Ryanair est très bien couverte, à 100% pour le trimestre en cours et 80% pour l’exercice à venir qui débute le 1er avril. En règle générale, aidées par leur trésorerie qu’elles ont réussi à mieux préserver pendant la pandémie, les compagnies low cost sont bien couvertes, à l’exception notable de Wizzair qui se retrouve très exposée aux fluctuations du prix du pétrole.
Fortes de cette couverture et ayant limité la casse pendant le Covid, les compagnies low cost ont les moyens d’être agressives. Une baisse des tarifs aériens sur le court et moyen-courrier en Europe, où elles dominent le marché, est même anticipée en 2022. Une façon de mettre la pression sur leurs concurrentes traditionnelles qui auront du mal à s’aligner.
Trop couvertes ou pas assez couvertes, les compagnies n’en font pas moins un pari. Elles peuvent gagner beaucoup, et perdre beaucoup aussi. En 2008, le baril de Brent était tombé en quelques mois de 147 à 40 dollars, sa couverture s’était retournée contre Air France qui n’avait pu bénéficier de la baisse des cours, dilapidant plusieurs centaines de millions d’euros.
Rappelons aussi que la hausse actuelle des prix des billets d’avion ne dépend pas seulement du cours du pétrole. Les augmentations des taxes d’aéroport et les faibles capacités (on est loin d’avoir retrouvé les offres en sièges d’avant-pandémie) y participent aussi.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM