Jamais peut-être une rentrée n’aura présenté autant d’incertitudes, de dossiers chauds, de prévisions inflationnistes, de craintes nourries par une éventuelle nouvelle vague Covid, ou encore les conséquences d’une tempête énergétique sans précédent. Ajoutons à cela les contrecoups des confinements successifs, dont la pénurie des personnels est la plus symptomatique avec ses nombreux effets boule de neige : chaos dans les aéroports, retards d’avion monstres, qualité de service dégradée chez nos fournisseurs en mode « malgré-eux », etc. Bref on ne peut pas dire que la rentrée s’accompagne d’un optimisme béat.
Si la période des vendanges est précoce et s’annonce de qualité j’ose un parallèle avec elle en lui empruntant un peu de son vocabulaire pour dire qu’au contraire, dans notre domaine, la rentrée risque d’être quelque peu bouchonnée, dans tous les sens du terme !
Qu’est-ce qu’un vin bouchonné ? c’est un terme assez large qui décrit un groupe d’odeurs et de goûts indésirables trouvés dans le vin. Si je me réfère à l’article de François-Xavier Izenic dans l’Oeil de ce mois-ci et si j’écoute nos adhérents et nos membres partenaires, l’analogie est facile : « le bouquet » de cette rentrée sera loin d’évoquer un bon cru.
Inflation
Comme dans bien d’autres domaines le business travel n’échappe pas à l’inflation et il en découle que le rapport de force entre acheteur travel et fournisseur semble s’inverser en faveur du second. Billets d’avion, voitures de location, chambres d’hôtels, ont augmenté d’une manière exponentielle pour des raisons largement commentées par les médias. L’acheteur est aujourd’hui en position inconfortable et doit acheter sans disposer d’une marge de négociation significative.
L’inflation devient ou va devenir pour les entreprises clientes l’élément déclencheur d’une nouvelle lecture et recomposition de la politique voyage et des workflows de validation.
Tout cela ne plaide évidemment pas en faveur d’une reprise probante du business travel d’ici à la fin de l’année.
Pénurie de personnel et Qualité de Service
Autre sujet de crispation palpable : la qualité de service… c’est un fait et sans généraliser elle n’est pas toujours au rendez-vous, un constat prégnant de nos adhérents particulièrement souligné par ceux qui prirent part à nos dernières conventions. D’abord compréhensifs et bienveillants, beaucoup de travel managers ou d’acheteurs montrent maintenant des signes d’impatience à l’encontre des agences qui peinent à recruter. Les causes objectives sont comprises, mais il paraît évident que faute d’une offre suffisante sur le marché de l’emploi, les TMC et autres agences se trouvent dans une situation très défavorable.
Nombreuses sont celles qui misent sur la jeunesse et la formation via les différents dispositifs d’apprentissage longue durée plébiscités pour recruter, fidéliser les ressources et reconstituer les plateaux d’affaires en partie désertés par des agents seniors adeptes de la « Grande Démission ». Gageons qu’il s’agisse d’une bonne formule pour répondre aux attentes des entreprises.
Des voyageurs d’affaires encore frileux ?
Que dire enfin des voyageurs d’affaires qui font preuve pour un grand nombre encore d’une fébrilité patente pour revoyager ? Entre les visioconférences de plus en plus ancrées dans les habitudes (les dernières études montrent qu’environ 40% des déplacements sont remplacés par des Visio -cf. celle de la Chaire Pégase-), les difficultés croissantes rencontrées dans les aéroports, les conditions de voyage forcément revues au regard des enjeux de l’écoresponsabilité des entreprises, le paysage du déplacement pro n’est pas forcément très dégagé.
Un peu d’optimisme quand même !
Pour rester dans la métaphore du jour, c’est un fait, la rentrée est d’un goût plutôt bouchonné. Même s’il n’existe pas de moyen efficace pour éradiquer ce défaut sur le vin, il y a pourtant matière à plus d’optimisme pour le marché des mobilités professionnelles qui doit lui aussi s’aérer et prendre le temps du filtrage de tous ces maux qui altèrent sa bonne gestion. Il y a des opportunités pour grandir et réinventer les mobilités.
A la pénurie de personnel, je vois l’opportunité de former et d’intéresser une jeune génération venue d’autres horizons à nos métiers.
A l’inflation, j’entrevois une motivation supplémentaire offerte aux acheteurs et aux travel managers de ne pas simplement piloter, mais au contraire, de se muer en stratèges sur un périmètre de responsabilité qui doit de plus en plus tendre vers le mobility management. Dès 2013 l’AFTM a encouragé ses adhérents et leurs sociétés à s’inscrire dans cette logique. Quasiment 10 ans après et une crise mondiale, les entreprises du secteur privé et les organes publics ont compris, pour beaucoup, les avantages dont ils peuvent bénéficier en s’inspirant mutuellement, réciproquement, dans le but de mieux maîtriser la chaîne de valeur de la mobilité.
Repenser son organisation c’est, tout en intégrant une réelle démarche RSE, s’attacher à une rationalisation des coûts et à la mise en place d’une politique orientée vers et pour le collaborateur.
Aux contraintes, voire à la frilosité des salariés pour se déplacer, j’encourage à une meilleure communication entre les différents acteurs internes. Cela pour un objectif commun qui doit conjuguer les intérêts de l’entreprise et ceux des voyageurs. C’est facile à dire, mais l’exercice vaut la peine d’être mis en œuvre, a minima d’être tenté.
Grâce à la mise en commun des expériences et de l’expertise de ses adhérents, l’AFTM est là pour contribuer efficacement à cet objectif.
J’espère que mon propos ne va pas trop plomber l’ambiance d’une reprise si fortement souhaitée, mais la situation est telle qu’on ne peut éluder certaines réalités.
Echangeons, proposons, innovons, inventons ! j’en profite pour encourager à prendre part à d’importants événements programmés ces prochaines semaines : le rendez-vous Univ’AirPlus du 8 septembre, l’IFTM Top Résa du 20 au 22 septembre au sein duquel l’AFTM a une grande place dans le Club Affaire, la convention de l’AFTM du 13 octobre.
On résume souvent la différence entre l’optimiste et le pessimiste par l’image d’un verre de vin : quand un nectar remplit le cristal à cinquante pour cent, le pessimiste y voit un verre à moitié vide, l’optimiste un verre à moitié plein, privilégions plutôt cette dernière option, en tout cas c’est ce que je vais faire.
Bonne rentrée à tous !
Michel Dieleman,
Président de l’AFTM