Externaliser ou pas la gestion des voyages ?
La question resurgit à la faveur de la pandémie mais la réponse reste complexe.
Tout est parti d’une étude publiée en novembre dernier par McKinsey, raconte l’excellent site The Company Dime (Lire ici). Le prestigieux cabinet américain (qui conseille la France dans sa campagne de vaccination…) n’y va pas par quatre chemins : s’il préconise d’optimiser les achats indirects plutôt que de les externaliser, il conseille néanmoins aux entreprises d’externaliser ses achats voyages car « les voyages et les divertissements (appréciez l’association) ne constituent pas une activité stratégique. » Et d’ajouter : « Comme de nombreuses entreprises tierces sont spécialisées dans cette fonction, l’externalisation de cette catégorie peut être rentable. »
De prime abord, la situation semble très favorable à cette externalisation. Pourquoi en effet avoir un travel manager alors qu’il n’y a pratiquement plus de voyages ? A cette question, abrupte, certaines entreprises ont répondu tout aussi abruptement, en licenciant leurs travel managers et/ou leurs acheteurs. Dans le même temps, les TMC ont procédé à de nombreuses suppressions d’emplois, notamment des account managers qui faisaient office de travel managers pour des entreprises qui n’en avaient pas. Si vous ajoutez à ça « la multiplication des experts indépendants et autres vétérans de l’industrie qui s’adonnent au conseil », vous obtenez le cocktail parfait pour une externalisation de la gestion des voyages.
Attention toutefois à bien mesurer la complexité d’une telle démarche. Selon McKinsey, « la décision d’externaliser les activités de création de valeur dépend de deux facteurs principaux : l’importance stratégique de la catégorie (les voyages) et l’étendue des capacités de sourcing interne. L’importance stratégique consiste à savoir si la catégorie crée un avantage concurrentiel et nécessite une implication étroite de l’entreprise, ou à l’inverse si l’externalisation générerait des risques supplémentaires substantiels. »
Les voyages ont-ils une importance stratégique ? Toute la question est là, un peu vite balayée par McKinsey. L’auteur de l’article nuance d’ailleurs et souligne à raison que « la réponse varie et dépend de chaque entreprise. L’engagement, la productivité et le bien-être des collaborateurs peuvent être stratégiques. »
Jonathan Schiff, professeur d’université, prévient aussi : « Les entreprises qui externalisent ont tendance à réaliser beaucoup moins d’économies que prévu en raison de la surveillance qui est toujours nécessaire. » En clair, une externalisation réussie suppose, non pas une délégation totale, mais une gestion continue.
Toutefois, l’écueil majeur de l’externalisation semble être la recherche d’économies à tout prix. Howard Brooks, ancien travel manager puis responsable de l’externalisation des voyages chez le prestataire Procurian, met en garde ceux qui considèrent « les voyages comme un coût sans tenir compte de la sécurité, du sanitaire ou de la préférence des voyageurs. » Avant de conclure : « Si le Covid nous a appris quelque chose, c’est bien que les économies ne peuvent pas être le seul moteur de la gestion d’un programme voyages. »
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM